C’est un roman qu’on se passait sous le manteau. Un roman que les jeunes filles lisaient en secret – et sans doute en rougissant. Les Éditions Nil rééditent « Chocolates for Breakfast », paru en 1956, dans une Amérique puritaine et conservatrice. L’auteure ? Pamela Moore, une jeune femme de 18 ans très – trop – libérée pour l’époque. Évidemment, on la compare à Françoise Sagan qui, deux ans plus tôt, a publié « Bonjour tristesse ». Comme elle, Pamela va choquer les bien-pensants, émouvoir les adolescentes, provoquer un scandale retentissant. Son héroïne, Courtney, n’est pas une femme, c’est une gamine qui se comporte en femme. Elle a quinze ans et s’ennuie ferme dans sa pension guindée. Seule son amie Janet, insolente et anticonformiste, réussit à l’amuser. Et puis, il y a Miss Rosen, la professeure qu’elle admire un peu trop, qu’elle aime peut-être. Ses parents, divorcés, comprennent que leur fille va mal et acceptent de la faire venir sur la côte Ouest, pour vivre avec sa mère, actrice hollywoodienne sur le retour qui n’accepte pas son âge et encore moins de voir son enfant devenir femme. Car la jeune fille a bien des atouts : elle n’est pas qu’intelligente, elle est aussi ravissante. Elle le sait, en joue, et son âge ne sera pas un obstacle à son envie de découvrir sa sexualité. Elle choisit un amant, plus âgé, homosexuel, qui la quitte et la laisse dans un tel désarroi qu’elle tente de mettre fin à ses jours. Puis c’est le départ pour New York. Courtney devient un des membres de cette jeunesse dorée, immature et superficielle, qui se fait renvoyer de Yale et qui se noie dans l’alcool et les fêtes. Elle y retrouve Janet, celle qui ne cache ses aventures à quiconque et qui en subira les conséquences. Dans ce roman, on boit sans cesse : Martini au petit-déjeuner et whisky sec pour mieux dormir, on se fait réformer pour une cirrhose du foie à 20 ans et on déambule de party en party dans un brouillard permanent… Courtney semble aimer sa vie de fêtarde invétérée. Mais elle est d’abord une mélancolique qui regarde le monde dans lequel elle évolue avec lucidité. Elle a grandi bien trop vite, a perdu ses illusions. Il lui faudra s’armer de courage, de volonté aussi, pour décider de ne pas se perdre complètement, de se ranger peut-être. De devenir adulte. Ce n’est pas le cas de l’auteure. À 26 ans, Pamela Moore s’est suicidée. Elle laisse une œuvre brève et un roman cultissime qui se vendra à plus d’un million d’exemplaires dans le monde.