Frank cherche une copine. A presque quarante ans il se sent prêt pour une relation durable, et tente l’utilisation d’un site de rencontre réservé à ceux qui ont fait de longues études. Ça ne fonctionne pas très bien jusqu’à ce qu’il tombe sur le profil de Jessica. Qu’est-ce que l’amour ? Frank le cherche, le trouve peut-être mais comment le reconnaître ? Loin de léviter dans des sphères abstraites réservées à une élite, le roman transpose cette interrogation dans une situation très concrète : Frank aime Jessica de tout son coeur, mais sexuellement elle ne l’attire pas du tout – elle lui répugnerait même un tantinet. Obstacle majeur ? Détail peu signifiant ? Frank ne peut se décider…
C’est le quatrième roman de Stephan Enter (le deuxième traduit en français) et il donne envie de se pencher sur les trois autres, ne serait-ce que pour vérifier la présence de ce décalage subtil tellement accrocheur, servi par une traduction qu’on imagine fidèle (je ne lis pas le néerlandais) mais qui pourtant grince un petit peu (ça a son charme).
C’est un roman intelligent, cérébral même, qui décortique les sentiments (et pas seulement l’amour) jusqu’à les priver de tout sens, et qui se garde bien de trop guider son lecteur. Déroutant et prenant.
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« Je tiens en suspicion les histoires d’amour classiques, les films romantiques. Je peux les lire ou les regarder – et je bute sur un mensonge après l’autre. Car dans la vie les histoires ne sont jamais si bien ficelées, ne sont jamais aussi riches d’allusions pleines de sens, n’ont ni une courbe dramatique conforme ni un dénouement qui vous permettent d’aller dormir tranquille et de rêver qu’un sort semblable puisse bientôt vous échoir. Les vraies histoires d’amour sont effrangées, maculées, avec des angles morts et des intrigues opaques qui aboutissent bêtement, de manière frustrante, à un écheveau de sincérité et de mensonge, d’indifférence et de bonnes intentions, d’amour et de mépris, d’euphorie et de douleur muette. »