Elle est insolente, Esther. Alors ses parents, en Israël, décident de l’envoyer chez l’oncle Cicurel qui a réussi dans le commerce du poisson au Cameroun. C’est une première : voilà quarante ans que les Cicurel, exilés en Afrique, n’ont pas revu un des membres de la famille. La jeune fille découvre alors sa tante, Marie- Ange, son cousin Erwan et surtout un mode de vie très différent du sien, celui des colons blancs aisés. Dans la grande villa blanche de Douala, la vie s’écoule en effet au rythme indolent des invitations, des apéritifs, des réceptions entre Blancs, des rumeurs colportées dans le parfum des mangues. Les Noirs semblent si loin, comme s’ils vivaient dans un autre monde. Alors, lorsque la jeune Israélienne se rapproche d’un des boys, elle fait scandale. A l’aide de vieilles photos, Esther va aussi partir à la découverte de l’histoire de son clan qui a dû fuire l’Egypte en 1954 et s’est disséminé un peu partout dans le monde, dans l’Israël des pionniers, en Afrique, en Europe. Sa grand-mère, nonna fortunée qui a élevé Esther, a été la colonne vertébrale de tous, le souvenir vivant d’une communauté juive du Caire aujourd’hui disparue. Est ce que l’Afrique peut représenter la nouvelle Terre promise de la famille ?
Premier roman de la talentueuse écrivaine israélienne Ronit Matalon dont on avait aimé « Le bruit de nos pas », » De face sur la photo » qui vient d’être traduit en français, avait été élu « meilleur livre de l’année » par le New York Times en 1998. Le livre n’a pas pris une ride et explore avec talent et nostalgie les relations entre les classes sociales, la dolce vita à l’africaine, les rapports avec les boys et les domestiques dans un face à face moins réducteur qu’il n’y paraît. En déterrant le passé par fragments, Esther fait revivre les différents personnages d’une famille digne d’un livre d’Albert Cohen et la vie en Egypte dans un kaleidoscope attachant et même envoûtant.