Jesse et sa petite sœur Rachel ne sont pas nés sous une bonne étoile. Bringuebalés à travers l’Australie par une mère instable, alcoolique, strip-teaseuse et prostituée occasionnelle, ils passent de foyer en foyer, de motels crasseux en refuges de fortune, côtoyant les types souvent peu recommandables dont Gwen s’entiche avant de s’en lasser. Seul Jon Dempsey, un repris de justice couvert de tatouages et plein de bienveillance pour les enfants, avait pu représenter une figure paternelle, jusqu’à ce que la jeune femme claque une nouvelle fois la porte et reprenne son errance, sa progéniture sous le bras. A court d’argent, incapable de les nourrir, Gwen décide un jour d’envoyer Jesse et Rachel chez leur grand-père, un ancien alcoolique reconverti en homme d’église, qui leur offre leurs premiers cadeaux de Noël, quelques semaines de calme et d’une vie « normale ». La trêve sera malheureusement de courte durée. Sur le point d’épouser Ray, une petite frappe experte en affaires louches, Gwen refait surface, prive les enfants de leur grand-père pour les traîner à sa suite dans un motel miteux où ils se trouvent livrés à eux-mêmes. L’attention particulière dont Ray témoigne envers Rachel, la violence croissante dont il fait preuve envers Gwen, ont néanmoins tôt fait d’alerter Jesse qui décide de s’enfuir avec sa petite sœur pour rejoindre leur grand-père, seul capable de les protéger.
Si elle est ancrée dans la culture et l’identité australienne, l’histoire de ces deux enfants grandis sans affection ni repères pourrait advenir en tout lieu en tout moment, et revêt ainsi la dimension universelle du conte sans pour autant user de ses ficelles. Les descriptions de paysages, tantôt urbains, tantôt désertiques, et la violence latente, à chaque page sur le point d’exploser, empruntent quant à eux aux codes du western : on pense à « La Nuit du chasseur » de Charles Laughton, le noir et blanc remplacé par la poussière rouge caractéristique du bush australien. Le récit aurait pu sombrer dans un certain manichéisme s’il n’avait eu Jesse pour narrateur, qui relate depuis son point de vue et son imaginaire de préadolescent son histoire et celle de sa petite sœur, dont l’issue reste incertaine jusqu’aux toutes dernières lignes. Premier roman remarqué par la critique, « Du même sang » explore les conséquences du déracinement et du manque d’affection dans la construction d’un individu à travers l’épopée jalonnée de coups durs et de brèves accalmies de deux enfants auxquels le lecteur s’attache immédiatement. Un page-turner émouvant qui ne laisse pas à l’abri d’une larme. traduit de l’anglais (Australie) par Antoine Bargel,