Cette novella, publiée en 2010 aux Etats-Unis, est un peu atypique dans l’œuvre de Laura Kasischke, qui s’appuie ici sur un fait divers ancien survenu dans une secte du Michigan. A l’intérieur de ce cadre réel, la romancière développe les thèmes qui caractérisent son œuvre poétique et romanesque : la féminité, la folie et la mort.
Un jour de 1923, le cercueil d’une adolescente censé contenir une femme âgée déclenche une enquête du shérif dans la communauté d’Eden Springs, dont le gourou, Benjamin Purnell, rassemble des fidèles du monde entier, pour la plupart des jeunes gens, habillés de blanc, végétariens et chastes. En plus de l’arboriculture, la secte millénariste tire ses revenus d’un parc d’attraction avec petit train, zoo, bals et matchs de baseball. Mais la découverte de ce cadavre jette le doute sur la probité du prédicateur autour duquel gravitent nombre de jeunes filles. Cantonnées aux tâches ménagères, celles-ci entretiennent un rapport de séduction avec leur chef spirituel, et un rapport de jalousie mortifère entre elles.
Coupures de presse de l’époque, chœur de femmes, paroles de témoins et flux de conscience poétique font de cette œuvre un patchwork littéraire où se dessine l’image de la tache. Derrière les apparences, la vie de la communauté se délite et la menace sourd. La vieillesse et la mort, ces deux maux que Purnell abhorre, entachent ses promesses de vie éternelle, et c’est à travers la parole des femmes que le drame intime et quotidien se fait jour, avec le sentiment aigu du passage du temps et des espoirs déçus. La sensibilité de l’auteure et son écriture du mystère et de la suspicion s’accordent parfaitement à cette histoire tragique et fascinante.
