Ils sont des gens du verbe, comme elle dit joliment. Ils s’aiment depuis plus de dix ans, lui au Canada depuis les évènements de mars 1968, elle toujours à Varsovie. Ils se retrouvent tous les deux, trois mois un peu partout dans le monde. Il est divorcé, a deux fils encore jeunes, il est plus âgé qu’elle. Elle n’a pas d’enfants, elle est écrivain, elle a raconté (dans « Histoire familiale de la peur« ) comment elle n’avait appris qu’à l’âge de dix-huit ans sa judéité. Les mots sont tout pour eux, la littérature, la poésie. Dans un mail, ceux-ci : « Je suis à l’hôpital. On soupçonne une tumeur au cerveau. Ne viens pas. Je t’informerai. » Elle vient, évidemment. Et c’est l’horreur, bien sûr. Elle raconte. Les longs mois de lutte, la sidération, la perte du sens, la personnalité qui change, les proches qui aident et ceux – misérables – qui font défaut, la colère, les mots qui n’aident en rien, ceux auxquels on se raccroche, la médecine, la Pologne, le Canada, être juif, aimer, s’aimer, célébrer la vie, affronter la mort. Une lecture éprouvante mais d’une puissante beauté.