Hanoï
Adriana Lisboa

traduit du brésilien par Geneviève Leibrich
Editions Métailié

174 p.  18 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
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L’art fragile de la rencontre

Après le très remarqué « Des roses rouge vif » à l’ambiance singulière (paru en France en 2009) -pour lequel elle a obtenu le prix Saramago-, il y avait eu « Bleu corbeau » en 2013, dans lequel Adriana Lisboa s’interrogeait, entre autres, sur le métissage et la filiation. Voici son troisième roman, Hanoï, dans lequel il est aussi question de ces deux thèmes.

David né d’une mère mexicaine et d’un père brésilien vit à Chicago. Passionné de jazz, sans emploi transcendant, célibataire depuis que sa copine l’a quitté… un gars ordinaire. Qui, un jour, remarque Alex, la caissière d’un supermarché où il s’est arrêté par hasard. Fille d’une « Vietnamienne qui a aimé un Américain », elle est elle aussi mère célibataire. Alex est encore attachée au père de son fils, homme engagé par ailleurs qui n’a pas complètement disparu de leurs vies. Lorsque David croise Alex, cette première fois, il vient d’apprendre qu’il est condamné. Le lien qui va se nouer entre ces deux protagonistes, qui semblent vivre tout deux entre parenthèses, pour des raisons bien différentes, sera fragile. Forcément. David s’allège de ses affaires, donne tout ce qu’il peut autour de lui. Voisins qu’il connaît, ou personnes rencontrées depuis peu, comme Alex. Tout en se préparant à l’inéluctable, David s’autorise à aimer Alex. Qui laisse à cette affection le temps de déployer ses ailes. Adriana vous attache à ses deux personnages en peu de pages, dans un texte écrit au cordeau. Cette rencontre entre David et Alex est un grain de sable, de ceux qui se transforment en perle, bien à l’abri dans leur coquille.

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coup de coeur

Le cimetière des éléphants.

Adriana Lisboa, native du Brésil, vit actuellement aux Etats-Unis. Elle a déjà écrit une dizaine d’œuvres de fiction, dont « Hanoï », son troisième roman traduit en français, une improvisation libre sur le thème de la rencontre amoureuse et de la mort.

David habite Chicago où il est vendeur de matériaux de construction, mais sa véritable passion, c’est le jazz, et sa meilleure amie, la trompette. A trente-deux ans, David apprend qu’il est atteint d’une tumeur cérébrale incurable et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Cette annonce brutale et la révolution intérieure qui s’ensuit le font d’abord se tourner vers ses racines brésiliennes et mexicaines, mais le souvenir de ses parents est trop ténu pour qu’il puisse se raccrocher à son ascendance, et il fait le constat douloureux de son immense solitude, unique survivant en sursis d’une famille d’immigrés clandestins, disparus sans laisser de traces. Convaincu de son insignifiance et du vide qui l’entoure, il n’a plus qu’une idée en tête : trouver son cimetière des éléphants, aller mourir seul et en silence dans un endroit où personne ne le connaît. Mais c’est sans compter sur le destin qui le pousse à franchir la porte d’une supérette asiatique où travaille Alex, d’origine vietnamienne, la tête dans son quotidien de mère célibataire étudiante qui court après le temps. David se sait condamné, mais il est irrésistiblement attiré par Alex. Tout en se dépouillant de ses affaires matérielles, il se réfugie insensiblement dans le monde de la jeune femme, qui l’accueille dans sa vie compliquée où l’amour était aussi perdu de vue. A quelques temps de sa mort annoncée, David se met à exister vraiment pour quelqu’un, et trouve sa place au sein d’une tribu qu’il fait sienne, choisissant comme destination finale Hanoï, le nom de la ville que lui a soufflé Alex, parce que c’est le berceau de ses propres origines, celui de sa mère et de sa grand-mère, femmes déracinées à cause de la guerre, et trois générations d’amoureuses ataviques d’Américains.

Dans « Hanoï », les destins s’entremêlent, l’amour, la vie et la mort s’écrivent au fil des rencontres. Si David choisit de se tourner vers le levant pour jouer sa dernière ballade, son accompagnatrice fera preuve d’un amour sans faille qui en retour lui permettra d’inventer sa propre mélodie, de ne plus être seulement «fille de» mais «femme qui». Ce roman pudique réussit le subtil équilibre entre révolte métaphysique et acceptation de la mort injuste, inconcevable et programmée, qui prend un autre sens lorsque le deuil et le souvenir lui succèdent. Comme dans une variation libre sur la vie, le musicien réussit son solo quand la trajectoire du hasard en est un peu déviée.

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