« Je suppose que je ne devrais pas me plaindre. J’ai la chance de vivre dans un pays où la poésie compte – on tue des gens parce qu’ils en lisent, parce qu’ils en écrivent. » La Russie en 1934. Staline et sa paranoïa. Les arrestations arbitraires, les tortures, le goulag, les simulacres de procès, les exécutions, l’idéologie communiste incomprise, malmenée et absurdement martelée. La poésie, la création littéraire face au pouvoir. L’amour total et absolu. Voilà ce que vous trouverez dans cet excellent roman qui change radicalement de ce qu’écrit Robert Littell habituellement. En donnant la narration à diverses voix, on suit le parcours du poète Ossip Mandelstam, qui sera littéralement brisé par la terreur Stalinienne. Le contrepoint du récit de Fikrit Trofimovitch Shotman, ancien haltérophile devenu hercule de cirque, nous montre l’insidieuse persuasion des esprits faibles, tout autant que la seule façon de survivre, alors. C’est un roman qui possède une force impressionnante, une maîtrise totale des sujets de fond, qui sont amples et graves. En mêlant les faits historiques à la fiction, Robert Littell nous les rend extrêmement accessibles, on entre de plain-pied dans la vie des personnages, on s’y attache fortement, on s’établit dans les années 30 comme si on y avait toujours vécu. C’est un roman terrible qui donne tout entier la définition de l’absurdité.