Histoire vraie de nos vies formidables
Elizabeth Crane

traduit de l'anglais par Bruno Boudard
Editions Phébus
litt etrangere
janvier 2018
324 p.  22 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Mère-fille, mode d’emploi

« L’hypothèse de départ de ce livre était simple : si j’avais la possibilité d’être assise aux côtés de ma mère, décédée en 1998, et de fureter dans ce que chacune croyait savoir de la vie de l’autre, qu’en ressortirait-il ? » C’est ce qu’écrit Elizabeth Crane dans la postface à ce roman original sur les relations mère-fille, les pouvoirs de l’imaginaire et de l’écriture.

Un drôle de roman

Betsy écrit sur sa mère Lois et inversement ; elles emploient un « tu » complice qui les rapproche mais parfois les oppose dans un dialogue sur la vie et sur l’élaboration du livre en cours. Lois est née dans une petite ville du Midwest en 1936 ; elle se marie très vite avec son professeur d’histoire de la musique, mais s’ennuie dans son rôle conventionnel d’épouse d’universitaire. Heureusement, elle se découvre un talent d’artiste lyrique et embrasse une carrière de cantatrice. En 1961, elle donne naissance à Betsy, dont la route pour le métier d’écrivain est pavée d’échecs et de déceptions. Lois n’est pas en reste : un divorce, un remariage, un avortement, elle traverse ces années de libération des mœurs tout en restant fidèle à sa passion, l’opéra, pendant que sa fille se cherche, accrochée à son rêve de romancière qui s’éloigne, et qu’elle enchaîne les boulots de serveuse ou de réceptionniste, toujours fauchée, alcoolique, célibataire et un peu névrosée.

Un roman à quatre mains

Les auteures s’autorisent toutes les libertés, et bien qu’il s’agisse d’un roman autofictionnel, au diable la vérité quand elle est trop terne ! La fiction la plus échevelée prend le relais ; ainsi, mère et fille s’imaginent en sœurs, créatrices de mode renommées, ou traversant l’océan à dos de baleine. Elles changent les temporalités, reviennent en arrière et font des bonds dans un futur utopique. Lois peint sa fille en dramaturge underground, en enseignante dévouée ou en chanteuse de music-hall… Elles tordent la forme romanesque pour se fabriquer d’autres vies : « Peut-être qu’on est en train d’inventer un nouveau genre. La sci-fi-subjective. » Cette écriture à deux voix fait émerger la nécessité de préserver ses secrets ; et s’il y avait une morale à ce livre, on pourrait la formuler ainsi : accroche-toi et tu seras heureuse ma fille.

 

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