Avec l’humilité des grands, Peter Stamm trace son sillon sans bruit mais sûrement. On retrouve son univers délicat et mélancolique, à la lisière du vertige, fait de pas sur la neige aussitôt recouverts, comme un rêve évanescent ; et dans son sein, cette question que renferme la littérature depuis la naissance du roman moderne : vaut-il mieux vivre sa vie ou l’écrire ?
Christoph, l’écrivain d’un seul livre publié vingt ans auparavant, rencontre Lena, comédienne, à Stockholm. Ils ne se connaissent pas, et pourtant Christoph sait tout d’elle, car c’est son histoire qu’il a écrite, et qui a mené à la ruine de sa propre relation avec son amante. Une histoire à dormir debout ? Peut-être, mais l’inconnue le laisse parler, lui raconter comment un jour Christoph a croisé Chris, son double plus jeune et compagnon actuel de Lena. Pendant des années, son obsession a été de suivre sans relâche ce double dont il connaissait à l’avance toute la vie pour l’avoir déjà vécue lui-même. Aussi est-il venu mettre en garde Lena : le roman de Chris mettra fin à leur amour comme il a mis fin au sien.
Voici un roman sur l’emprise de la réalité par la fiction, sur l’identité et le double, la vie et le théâtre. Le temps d’une déambulation qui commence dans un cimetière figé dans l’hiver suédois, Peter Stamm laisse ces questions en suspens et au lecteur son jugement. Avec une écriture élégante et sobre mise en valeur par la traduction, ce livre pourrait être un texte de théâtre, magnifique à mettre en voix.