Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Sensuel et intelligent. Du pur plaisir !
« Le fait est que certains écrivent des livres et que d’autres les lisent : Dieu seul sait qui est le mieux placé pour y comprendre quelque chose. » Attention, un livre peut en cacher un autre. La Jeune Épouse est à la fois une de ces fables poétiques dont l’auteur a le secret et une intelligente réflexion sur le métier d’écrivain. L’écrivain que l’on retrouve partout, par l’irruption soudaine du « je » dans le récit, quel que soit le personnage ou par le biais d’une digression le mettant en scène pendant l’écriture de ce livre. Si Flaubert a dit « Madame Bovary, c’est moi ! », Alessandro Baricco est tour à tour tous ses personnages, de la Jeune Épouse au Père, en passant par Modesto, le fidèle serviteur, auxquels il prête ses sentiments, ses souvenirs et ses névroses. En entremêlant ainsi la réalité des humeurs de l’écrivain à la trame du récit qu’il déroule, Baricco atteint un sommet de virtuosité. Mais ce n’est pas tout. L’histoire de la Famille, c’est un peu la métaphore de celle du monde. Entre transmission de valeurs mais aussi de peurs ancestrales. Le propos est si dense que chacun y puisera sa propre interprétation. La plume de Baricco, elle, reste égale à elle-même, trempée dans cette douce fantaisie mélancolique qui irrigue son œuvre depuis le début. L’histoire se déroule en Italie au début du XX ème siècle et commence avec l’arrivée de la Jeune Épouse dans la maison de sa future belle-famille où elle était attendue le jour de ses dix-huit ans. Fraîchement débarquée d’Argentine, elle comprend que le Fils est absent, parti en mission en Angleterre et qu’elle doit désormais attendre son retour tout en faisant connaissance avec les mœurs de cette Famille étrange. Commence alors pour elle un long apprentissage à la fois sensuel et sentimental, qui la fera pénétrer au cœur des secrets qui lient chacun de ses membres. Un univers qui oscille entre rêve et fantaisie, une maison où les livres sont bannis parce que « tout est déjà dans la vie, si l’on prend la peine de l’écouter, et les livres nous distraient inutilement de cette tâche, à laquelle tous se consacrent avec une sollicitude telle, dans cette maison, qu’un homme plongé dans la lecture ne manquerait d’apparaître en ces lieux comme un déserteur. », un écrin où l’expression du corps est prédominante, un monde où l’on célèbre chaque matin le fait d’avoir échappé à la nuit et d’être encore vivant. Dans cette maison, les tiroirs sont remplis des bruits que l’on y range une fois par an avant le départ en villégiature ; lorsqu’on songe ensuite à les ouvrir, certains retrouvent des phrases, des réponses à des questions… Merveilleux Baricco ! Après Mr Gwyn et sa magnifique réflexion sur la création artistique, Alessandro Baricco poursuit donc son questionnement des mystères de l’alchimie créatrice et se laisse aller à quelques confidences sur sa façon d’appréhender son métier (ce qui nous vaut de précieux passages). La Jeune Épouse est un livre ambitieux et exigeant, qui sollicite toute l’attention du lecteur tout en le berçant de sa douce musique. Sensuel et intelligent. Du plaisir à l’état pur. Retrouvez Nicole sur son blog |
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