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coup de coeur
Petite pépite…
C’est une petite pépite que je viens de découvrir un peu par hasard car je n’avais lu aucune critique à son sujet. Ce court roman tient peut-être du conte ou de la fable métaphysique mais peut-être vaut-il mieux éviter de le classer…. Ce qui est sûr, c’est que sa lecture vous laissera pensif, dans un état second… « Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant. » nous apprend d’entrée le narrateur. L’homme semble s’être retiré du monde et l’on ne saura pas pourquoi. Il vit dans sa petite maison de pierre d’où il contemple le monde végétal et animal. Il observe avec étonnement et effroi, le travail incessant de la nature qui le fascine. Il s’interroge : pourquoi toute cette vie toujours en mouvement, cette prolifération végétale qui s’empare de chaque ruine pour l’envahir, l’étouffer, la dévorer, de chaque interstice entre deux pierres pour se répandre, se propager et pourrir ensuite. Tout naît, inlassablement et meurt pour laisser place à une nouvelle vie : une branche s’élève vers la lumière en livrant une lutte acharnée aux autres végétaux, les bêtes se reproduisent infiniment et grouillent sans cesse, la terre tremble régulièrement. «Pourquoi tout ce grouillement de corps qui tentent d’épuiser les autres corps en aspirant leur sève de leurs mille et mille racines déchaînées et de leurs petites ventouses forcenées… Où je peux bien aller pour ne plus voir ce carnage, cette irréparable et aveugle torsion qu’on a appelée vie ? » Ce spectacle fascinant et effrayant de l’intarissable foisonnement plonge le narrateur dans une méditation vertigineuse sur le sens de la vie. Or, un soir, il remarque, de l’autre côté de la montagne, une petite lumière dans les bois. Qui peut bien habiter dans un lieu si désolé, si loin de toute vie ? Cette petite lumière qui s’allume tous les soirs à la même heure l’intrigue : il descend au village pour mener sa petite enquête et, finalement, décidera de s’y rendre lui-même… Et là, oh, surprise… Ce texte poétique est vraiment magnifique, l’évocation de la nature, rendue de façon saisissante, est d’une force prodigieuse. Elle nous invite à penser : qui sommes-nous ici dans ce grand tout auquel nous participons? Et tout ceci a-t-il un sens, un sens que nous ne percevons pas tellement nous sommes impliqués ? Que de questions… C’est certain, je porterai longtemps en moi cette petite lumière… Retrouvez lucia-lilas sur son blog
coup de coeur
Entrée dans l’éternité.
Tout lecteur possède son panthéon personnel de romanciers ; Antonio Moresco, écrivain italien né en 1945, en a passé les portes universelles sans qu’elles lui opposent de résistance, après la lecture de « La petite lumière ». Un homme, le narrateur de cette histoire, vit seul dans un hameau abandonné. S’il reste quelques habitants dans les villages voisins, la plupart de ceux-ci ont été désertés, et malgré la présence d’éléments familiers et quotidiens, l’atmosphère donne une impression de fin du monde imminente. La nature, inspirée du réalisme magique, semble rivaliser avec l’humain. Envahissante, dévorante, la végétation grouille et prolifère à vue d’œil, les chiens sauvages attaquent les hommes, et la nuit noire tremble au rythme des séismes fréquents, auxquels le narrateur est accoutumé, et même résigné. Sa vie érémitique et spartiate n’est troublée que par un phénomène qui l’intrigue : la nuit, il aperçoit de chez lui une petite lumière qui semble provenir de l’autre côté de la vallée, là où il n’est jamais allé, croyant même cette partie de la montagne inhabitée. Pourtant, tous les soirs, invariablement, la petite lumière s’allume comme pour lui faire signe, à lui seul. Personne n’étant en mesure de lui donner de réponse quant à son origine, le héros part à la recherche de cette lueur et s’enfonce dans la forêt au bout de laquelle il découvre une petite maison isolée. Là, à son grand étonnement, il trouve un enfant seul. Avec ses vêtements anachroniques, le garçon semble tout droit sorti du passé. Peu à peu, la méfiance réciproque va laisser place à un lien de plus en plus fort entre ces deux êtres, et le héros prend désormais l’habitude de s’aventurer dans la forêt pour rendre de fréquentes visites à son ami, l’enfant triste et grave qui devient son protégé. Enfin, lorsque ces deux solitudes se rejoignent, elles finissent par se fondre l’une dans l’autre. D’ordinaire symbole de l’espérance, mourant chaque soir pour renaître chaque matin, la lumière, dans le roman d’Antonio Moresco, s’allume le soir tandis que le monde s’assombrit de plus en plus. Tout est inversé, renversé, comme dans un jeu de miroir : les hommes sont silencieux, quand les animaux se sont emparés du verbe. Les hirondelles hurlent, telles des Erinyes qui annoncent la fin des temps. Servi par une prose magnifique qui confine à la poésie, avec des dialogues qui sonnent toujours juste, le roman d’Antonio Moresco est une pépite qui réchauffe au cœur des ténèbres. |
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