LaRose
Louise Erdrich

Albin Michel
avril 2017
528 p.  24 €
 
 
 
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Fille d’Indienne Ojibwé, Louise Erdrich appartient au mouvement de la Renaissance amérindienne (Native American Renaissance) créé pour qu’on n’oublie pas ce peuple, ses coutumes, sa mythologie et qu’il continue d’exister à travers la voix d’auteurs modernes.
Dans ses romans, Louise Erdrich fait revivre une culture et des traditions amérindiennes, espérant maintenir vivante la mémoire des anciens. Et le sens même de son écriture se trouve peut-être là, précisément, dans ce projet de lutte contre l’oubli.
C’est donc un monde un peu étrange que le lecteur découvre, monde dans lequel, par exemple, les morts peuvent revenir partager l’existence de ceux que l’on appelle les vivants, les frontières entre les deux « états » étant plus poreuses que dans nos sociétés rationnelles.
En 1999, dans le Dakota du nord, Landreaux Iron part à la chasse au cerf, cérémonial obligé pour célébrer l’arrivée de l’automne. « C’était un catholique pieux et respectueux des coutumes indiennes, un homme qui, lorsqu’il abattait un cerf, remerciait un dieu en anglais et faisait une offrande de tabac à un autre en ojibwé. » Landreaux est un excellent chasseur : lorsqu’il voit l’animal, il n’hésite pas une seconde et tire. Il tue accidentellement Dusty Ravich, petit garçon âgé de cinq ans, le fils de son voisin et ami Peter Ravich.
C’est le drame, la tragédie absolue.
La mort d’un enfant.
Or, la coutume indienne veut que, pour se racheter ou tenter de se faire pardonner, on doive donner son plus jeune enfant à la famille qui a perdu le sien : c’est ainsi que le petit LaRose Iron part vivre chez les Ravich.
Offrande incroyable, offrande impensable…
Et pourtant…
Comment Landreaux va-t-il pouvoir continuer à vivre avec un immense sentiment de culpabilité et un si terrible chagrin? Comment les deux familles vont-elles cohabiter sans chercher à s’entre-tuer, sans vivre dans la haine, sans désir de vengeance et en respectant les coutumes de leurs ancêtres ?
Que va devenir cet enfant, LaRose, partagé entre deux familles ? Peut-on se construire de cette façon ? Et les frères et sœurs dans l’une et l’autre famille vont-ils savoir contenir leur douleur, leur ressentiment, leur souffrance ?
Quant aux mères, Nola et Emmaline… Qui aura la force de pardonner ? De quelle façon une justice peut-elle être rendue ? La sagesse des anciens est-elle capable de panser les plaies, d’aider chacun à supporter un réel à peine pensable ? Une forme de solidarité, d’entraide est-elle encore possible ?
C’est le quotidien bouleversé de ces deux familles que nous découvrons, leur façon de gérer chaque heure, chaque jour qui passe, chacun se reconstruisant, petit à petit, comme il le peut, en passant par des phases de douleur extrême, de désir de mort, de solitude profonde, de haine viscérale, d’amour ou de don de soi.
Ces différents personnages, enfants et adultes, ont tous quelque chose de fascinant : ils n’ont rien de manichéen, loin de là, et sont très humains dans leurs réactions et très touchants donc. Je pense notamment à la figure du prêtre, le père Travis, toujours à l’écoute des autres, lui dont les sentiments pour une femme le mettent au supplice. Je pense aussi au personnage de Romeo, père biologique d’un des enfants élevés par Landreaux, la figure même de l’antihéros malmené par la vie, dépossédé de tout et qui semble, dans l’ombre, préparer une terrible vengeance. A moins que…
L’auteur, fine observatrice, a le souci du détail : une mimique, une expression, un geste permet de visualiser le malaise, la tension ou la joie de tel ou tel personnage. L’effet de réel est saisissant. J’ai beaucoup aimé la minutie de ses descriptions qui en disent tant sur les gens et qui traduisent si bien la complexité des sentiments.
De nombreux retours dans le passé permettent de mieux comprendre le poids des traditions, des croyances qui se heurtent parfois à la modernité et expliquent le comportement de certains personnages, ce qu’ils sont devenus avec le temps. S’ils vivent tous au XXe siècle (et dans une Amérique où l’on noie dans l’alcool ou la drogue son ennui et son désespoir), leurs racines les rattachent à un passé ancestral dont ils ne peuvent s’affranchir complètement. Ils sont les héritiers de coutumes d’un autre temps, vivent en équilibre instable entre deux mondes.
LaRose est un récit ambitieux : si les nombreuses digressions, les retours en arrière retraçant, par exemple, la généalogie des LaRose sur quatre générations nous éloignent momentanément du récit principal, ils permettent surtout au lecteur de découvrir une culture, une mythologie, des croyances surnaturelles et magiques avec lesquelles il est nécessaire de se familiariser pour mieux interpréter le texte.
LaRose est donc un roman exigeant qui se mérite, et j’avoue qu’il m’a fallu une seconde lecture pour me sentir plus à l’aise et plus à même de mieux appréhender cet univers.
Mais c’est ainsi que j’ai eu le sentiment de pénétrer dans un texte d’une grande richesse de par son écriture et sa construction bien sûr, mais aussi de par la vivacité et la complexité de ses personnages. L’évocation de cette culture amérindienne, monde fascinant où les morts jouent avec les vivants, discutent avec eux, monde où rêve et réalité se mélangent, m’a fascinée.
Enfin, ce qui touche dans cette œuvre, c’est qu’au fond, même les plus mauvais se révèlent finalement avoir une âme sensible et généreuse et l’on sent à chaque page le regard bienveillant que l’auteur pose sur l’humanité.
Par les temps qui courent, on peut dire que ça fait du bien !
Un texte intense que je n’oublierai pas.
Retrouvez Lucia Lilas sur Lire au lit

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J’aime retrouver Louise Erdrich qui a souvent réussi à me faire passer par toutes les palettes de l’émotion tant son talent de conteuse n’a d’égale que la qualité de sa plume.

Dans son nouvel opus, nous découvrons deux familles au cœur d’un drame, la mort d’un enfant.
Lorsque Landreaux chasse un cerf et tue accidentellement le petit Dusty, 5 ans, il est si malheureux, écrasé par la culpabilité du chagrin qu’il impose à ses voisins qu’aussitôt, il décide d’offrir son fils LaRose à Peter et Nola, les parents de Dusty selon une tradition ancestrale Ojibwé.
«Notre fils sera votre fils maintenant. »

Louise Erdrich retrace par intermittence, tout au long du roman, le drame que vivent les deux familles et l’histoire de la première LaRose, une jeune Ojibwée vendue par sa mère à un négociant. Cette LaRose, fascinant personnage, était une guérisseuse qui a adroitement résisté à l’assimilation à la culture, aux valeurs et à la religion des Blancs.

Cette histoire n’est jamais triste, malgré la gravité du sujet.
J’ai eu cependant un peu de mal à certains moments à suivre l’action lorsque l’auteur aborde les ancêtres de ses familles avec leurs coutumes et leurs croyances.

« LaRose » est un roman très dense, long, au rythme soutenu dans lequel les dialogues s’insèrent sans guillemets, sans pause, sans repos.
Un récit entrecoupé entre présent et passé qui m’a perdue parfois, j’ai dû m’accrocher dans ce récit, qui navigue entre de nombreux personnages, mais cependant, à aucun moment je n’ai eu envie de lâcher cette lecture comme envoutée par la prose magnifique de l’auteure.

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coup de coeur

Je suis une inconditionnelle de cette auteure depuis la découverte de « La chorale des maîtres bouchers ».

Louise Erdrich qui a des ascendances amérindiennes aborde régulièrement dans ses romans les conditions de vie, les croyances des peuples autochtones.

« LaRose » ne fait pas exception. Alors qu’il chasse près de chez lui un grand cerf qu’il a repéré depuis des semaines, Landreaux Iron tue accidentellement le fils, âgé de 5 ans, de ses voisins.

La douleur est vive dans les deux familles. Landreaux pense alors à l’ancienne coutume de sa tribu pour réparer son geste : il donne à ses voisins son plus jeune fils, LaRose, âgé lui aussi de 5 ans.

Cette décision est-elle la bonne ? Peut-on réparer un meurtre que l’on a commis ? Comment les membres respectifs des deux familles vont-ils vivre cette situation ? Et le jeune LaRose, qui porte le nom de quatre de ses arrières-grand-mères, arrivera-t-il à se construire et à grandir harmonieusement ?

Il y a beaucoup de personnages dans ce roman, des incursions dans le passé de la famille de LaRose, l’évocation des croyances au surnaturel. Une tension se déploie au fur et à mesure que les années passent. Le lecteur se demande si tout cela ne va pas se terminer par un drame.

Un roman très fort.

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coup de coeur

Un enfant pour un autre

C’est toujours avec grand plaisir que j’entame la lecture d’un roman de L.Erdrich, j’aime entrer discrètement dans son monde hypnotique.
L.Erdrich a de par sa famille du sang indien dans les veines. Elle s’est surtout appliquée pour ce roman à reconstituer l’histoire d’une famille ojibwé .
Leur histoire, et ce sur plusieurs générations, est racontée dans différentes parties et chapitres.
Deux couples ayant fondé une famille, apparentée par les femmes , vivent un immense drame, il faut que la justice passe, même si officiellement aucune faute n’est à retenir . Le petit garçon LaRose est le point central du roman .
Ils vont appliquer les règles de leurs ancêtres sans effusion de sang, mais la justice qu’ils s’infligent va créer des remous, des chagrins insensés, des répercussions inattendues et cela pour tous les membres de ces familles. Quelques scènes violentes, mais plane sur ces gens l’esprit des Ancêtres, ils savent s’absenter de leur corps quand la situation est trop dure, et c’est là tout l’art de L.Erdrich, il y a du surnaturel dans son récit, une sorte de quiétude même quand tout va mal .
Un grand roman qui vient s’articuler avec « La malédiction des colombes » et « Dans le silence du vent » . Envoûtant.

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