Premier constat : Acte sud a modifié la première de couverture et le titre de l’édition originale. « Als die liebe endlich war » / « lorsque l’amour parait enfin… » est devenu un énigmatique « le bracelet » ; en outre l’illustration du couple-amoureux-sur-le-pont-d’un-bateau a été remplacée par l’image désuète d’une jeune femme (aux airs de Sylvia Kristel) qui détourne le regard… On passe d’Arlequin à la série noire… c’est sans doute pertinent et plus vendeur : l’ouvrage tient plus du roman policier que du roman d’amour.
Car c’est un livre grave que ce « Bracelet ». L’ambiance y est lourde comme un jour d’orage.
Le récit démarre juste avant la drôle de guerre, dans une Allemagne où il ne fait pas bon être juif, même converti au christianisme et ayant participé à la grande guerre… La famille Schwartz décide de partir le plus loin possible mais le père ne peut s’y résoudre au dernier moment.
Dans le même temps, à Munich, plusieurs femmes parentes ou amies tentent d’abord de prospérer dans un contexte ambiant euphorique puis insensiblement de « s’en sortir » dans le désordre de la guerre puis le cloaque de la défaite : rapprochements avec un pouvoir assassin, compromissions, actes clandestins, fuite…tout est bon pour survivre.
Le livre est construit comme un film de S Leone… plusieurs histoires à plusieurs époques s’imbriquent dans une atmosphère tendue puis nostalgique. On sent que le destin est inexorablement en marche. Après coup on ne sait plus vraiment si les personnages sont vertueux ou cachent un lourd passé.
In fine, la désillusion transpire dans la mémoire de Carl Schwartz comme dans celle du Noodle / De Niro, d’Il était une fois l’Amérique. Tous deux sont juifs, ont vécu une enfance difficile mais fondatrice, tous deux ont le sentiment – à tort ou à raison – d’être passé à côté au moins d’une partie de leur vie, tous deux ont perdu leurs illusions et se remémorent leur passé dans un NY où ils n’ont plus leur place, tous deux encore ont vécu un amour qui a changé leur destin, mais… ; Noodle avait fait partie d’un gang redouté du temps de la prohibition ; qu’avait été Carl Schwartz ?
On retient son souffle un peu plus au fur et à mesure qu’on avance et qu’on se rapproche de la révélation finale. Sera-t-elle à la hauteur ?
Le style d’Andréa Maria Schenkel (« éclairé » par la traduction de S Lux !) est efficace mais sans lyrisme, grave mais sans emphase. On est entrainé par la vague sans toutefois être bouleversé. C’est un bon roman à défaut d’être un grand livre.
Jusqu’au bout on se demande ce qu’un bracelet vient faire dans cette histoire-là… jusqu’à ce que…