Le chapeau violet
Eudora Welty

Traduit de l'anglais (USA) par Sophie Mayoux
Cambourakis
février 2017
165 p.  20 €
 
 
 
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coup de coeur

Fabuleuse conteuse

Eudora Welty (1909-2001) a vécu presque toute sa vie à Jackson (Mississippi). Prix Pulitzer en 1973 pour « La fille de l’optimiste », elle ancre son œuvre dans ce Sud des Etats-Unis conservateur et ségrégationniste.

Les huit nouvelles du « Chapeau violet » se situent toutes sur la Piste de Natchez, 780 kilomètres reliant le Mississippi au Tennessee. Si elle a été abandonnée au profit des voies fluviales, cette route a longtemps abrité les fantômes des voyageurs, marchands, prédicateurs, bandits et autres explorateurs. C’est le territoire des hommes de légende, à l’instar de l’évangéliste, du hors-la-loi et de l’ornithologue réunis dans « Un moment immobile ». On se déplace à pied ou à cheval dans une temporalité délibérément floue, « en des temps extraordinaires, en une saison de rêve ». Chez Eudora Welty, on est dans l’espace-temps du « il était une fois », typique de « Premier amour », où un enfant cireur de bottes dans une auberge « passe sa vie dans le sommeil d’autrui », et surprend les discussions nocturnes de deux célèbres aventuriers, magnifique nouvelle nimbée d’onirisme hypnotique.

La Piste de Natchez est le cadre des rencontres improbables et mystérieuses. On colporte des histoires extraordinaires d’auberges en villages, de comptoirs en étapes, comme celle de la dame au chapeau violet, qui depuis trente ans continue d’attendre son partenaire de jeu, bien qu’elle ait déjà été assassinée deux fois ! Un réalisme appuyé (« Le grand filet ») côtoie un fantastique issu de la mythologie, comme ce pique-nique de parques modernes qui se termine en métamorphose jouissive (« Asphodel »). Enfin ce lieu du passage est aussi celui de la tentation sexuelle ; enfermer ou éloigner les jeunes filles, c’est les condamner à la fuite ou à la folie (« L’embarcadère »). Eudora Welty est une fabuleuse conteuse miniaturiste qui avait compris que « ce que la vie avait de terrible, c’était son secret ». Dans ses nouvelles, le sens, comme le diable, se cachent dans les détails. Familier, poétique et dérangeant.

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