Le stade de Wimbledon
Daniele Del giudice

Le Seuil
librairie du XXIe siècle
mai 2018
224 p.  18 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

A la recherche de l’oeuvre perdue

Publié pour la première fois en 1983, le roman de Daniele Del Giudice, adapté au cinéma par Mathieu Almaric en 2001, ne parle pas de tennis mais d’une quête littéraire, celle d’un jeune homme fasciné par Roberto Bazlen, intellectuel italien mort en 1965, et atteint du « syndrome de Bartleby », décrit par Enrique Vila-Matas comme l’absence d’œuvre chez l’écrivain : le néant plutôt que l’écriture.

L’enquête du narrateur le mène naturellement à Trieste, ville natale de Roberto Bazlen, personnalité littéraire de premier plan, conseiller des plus grandes maisons d’édition comme Einaudi ou Bompiani, proche entre autres d’Italo Calvino et d’Eugenio Montale. Découvreur de talents influent, Roberto Bazlen n’a pourtant jamais rien publié de son vivant. De librairies en bibliothèques, de proche en proche, le narrateur joint d’anciennes connaissances de Bazlen, appelle depuis des cabines téléphoniques des numéros incertains, frappe parfois à la mauvaise porte, et erre dans les rues de Trieste, à la manière d’un Patrick Modiano déambulant dans Paris à la recherche de fantômes. Sa quête le mène finalement à Londres pour une rencontre avec la muse de l’homme de lettres, chez qui il espère trouver la clé du mystère Bazlen.

Sous la plume de Daniele Del Giudice, Roberto Bazlen prend les traits d’un personnage de fiction qui s’échappe au fur et à mesure que notre héros s’en rapproche, au point que ce dernier finit par se demander quel est le sens de sa quête tâtonnante et pleine de vides. On peut tout envisager à cette absence d’œuvre : angoisse de la page blanche, incapacité, paralysie, refus… En voulant débusquer le « point où s’intriquent […] le savoir-être et le savoir-écrire », le jeune homme ne trouve qu’un point de fuite vers lequel il court lui-même à sa perte, marionnette de ce fantôme écrasant. Voici un roman subtil et envoûtant, tout en lenteur et en silence, un roman sur les rapports entre la création littéraire et la vie.

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