New York, 1931. La crise économique est là, mais la haute bourgeoisie semble relativement épargnée, l’alcool coule à flots dans les speakeasies, ces bars clandestins qui prospèrent pendant la Prohibition, où l’on se retrouve pour boire et s’encanailler. Gloria Wandrous, vingt-deux ans, est une habituée des lieux ; beauté fatale collectionnant les amants, femme libre faisant fi des conventions sociales, sa réputation la précède. Un soir, elle rencontre Weston Liggett qui l’emmène chez lui. Au matin, ce dernier part rejoindre épouse et enfants, laissant seule sa conquête qui emprunte le manteau de fourrure de Madame Liggett, l’amant indélicat ayant déchiré sa robe dans le feu de l’action. Sous sa conduite désinhibée, Gloria cache une adolescence abusée, trois avortements et un désespoir sans fond, n’ayant qu’un seul véritable ami, un illustrateur auquel elle confie ses tourments et sa nouvelle tocade amoureuse. Liggett, possédé par le démon de midi, remet son mariage en question en même temps qu’il est pris dans l’affaire pathétique de la disparition du manteau de vison. S’enferrant dans ses contradictions d’homme marié et d’amant passionné, tout en se méfiant de Gloria comme d’une nouvelle Lilith, il lui fait miroiter des promesses de divorce. Ces quelques jours au rythme soutenu suffisent à donner de New York l’image d’une cité de tous les péchés : les hommes sont veules et cyniques, leurs femmes désabusées s’ennuient, et les vapeurs d’alcool cachent mal l’envers du décor puritain opportuniste, raciste et antisémite. L’héroïne souillée en mal d’amour y sera sacrifiée sur l’autel des vanités. Sans concession pour les « heureux du monde », le « Balzac américain » signe un beau roman cruel et empathique.