Amatrices, amateurs d’histoires romanesques et de famille, « Léon et Louise » est pour vous.
Léon, le patriarche de la famille Le Gall, est enterré ce jour-là à Notre-Dame. Alors que l’assemblée attend le célébrant, une petite silhouette nerveuse aux cheveux gris, un foulard lumineux autour du cou, se glisse dans la nef et va déposer un baiser sur le front du défunt. Avant de s’éclipser, elle retire de son sac une sonnette de vélo qu’elle actionne deux fois. C’est Louise.
Ces deux-là se sont aimés, perdus de vue, retrouvés, éloignés de nouveau pour se rejoindre enfin en dépit des vicissitudes, de deux conflits mondiaux et de leurs existences respectives.
1918, dans un village non loin du Chemin des Dames alors que l’Europe est en feu, Léon et Louise font connaissance. Les deux adolescents se plaisent, partagent une nuit avant qu’un obus ne les sépare pendant une dizaine d’années. 1928, Léon mène une existence sans relief entre son épouse Yvonne, leur fils Michel et son activité au service scientifique de la Police, Quai des Orfèvres lorsque les hasards de la vie le remettent en présence de Louise. Elle est devenue une jeune femme piquante, indépendante et travaille à la Banque de France. L’intensité de leur histoire n’a pas faibli et ne saurait se satisfaire d’un adultère de 3e zone, aussi le couple choisit-il de se séparer. 12 ans s’écoulent à nouveau avant que Louise ne reprenne contact en juin 1940. Elle s’est embarquée à bord du croiseur « Victor Schœlcher » pour sauver l’or de la Banque de France et rejoindre Médine. Elle n’a pas oublié Léon et le lui écrit. Paris sous la botte allemande, les restrictions, le service des étrangers auquel il a été versé, Léon traverse avec les siens ces années délicates jusqu’à la Libération qui réunit les amoureux.
Alex Capus signe ici un ouvrage romanesque mené de main de maître. Fresque du XXe siècle brossée à grands traits, choix pertinent du détail, son récit s’ancre dans la réalité. Capus entraîne son lecteur dans le sillage de ses héros dans la Normandie de la Grande Guerre, les années folles et le Paris de l’Occupation : on s’y croirait. Ses personnages sont dessinés avec précision, ont de l’épaisseur et l’histoire d’amour est exempte de toute mièvrerie. « Léon et Louise » est talentueux et réussi.