Son enfance ? Pourrie. Sa vie d’adulte ? Sans aucune morale. Non pas qu’il soit « mauvais », mais tout entier à la réalisation de ses bons plaisirs, séducteur impénitent, carrière dans la pornographie, drogué jusqu’à la moelle. Très beau aussi, accessoirement. Une hallucination, un mauvais trip le précipite dans un grave accident de voiture. Brûlé plus que grièvement, qu’il survive est étonnant, mais il n’aura plus jamais forme humaine. Le traitement est horriblement douloureux, et les pages et les pages précises et détaillées de chaque intervention sont dures à avaler, le coeur s’accroche mais il faut en être averti (insoutenable parfois) (l’imagination peut-être la pire des tortures !). La narration directe fait qu’on a réellement l’impression d’entendre un récit, un témoignage, et ce qui est le plus fort, à mon sens, c’est que ce gars ne nous est jamais sympathique. Donc il en bave des ronds de chapeau, et n’a qu’une idée en tête : parvenir à se rétablir suffisamment pour quitter l’hôpital, et se donner la mort immédiatement (ses plans ne lui laisseront aucune issue, il envisage de cumuler toutes les méthodes…) Arrive Marianne. Entre en scène une espèce de folle furieuse, à la chevelure insensée, à la personnalité extravagante, une patiente du service psy. On l’aime immédiatement, on l’aime jusqu’au bout. Elle va tout changer… Notre narrateur, en permanence, garde les pieds sur terre; il ne cesse de mettre en perspective ce que lui raconte Marianne, ses faits et gestes, il lit tout ce qu’il peut sur les maladies mentales, il ne veut rien croire. Mais il finira par s’ouvrir à l’amour, et atteindre en ce sens une sorte de rédemption (ce mot fait peur, mais ici il est beau). Pourtant, et c’est ce qui fait en partie tout l’intérêt de ce roman tout à fait étonnant, des faits troublants persistent, des faits concrets, inexplicables. Marianne apporte avec elle des histoires merveilleuses, une ambiance du Moyen-âge, asiatique, glaciale, viking, des pages et des pages de nourritures délicieuses et incitatrices, L’Enfer de Dante et un truc… un truc indéfinissable, qui emporte toute l’adhésion du lecteur. Au final une vraie histoire d’amour, sans une once de mièvrerie. Un sacré roman.