Qu’est-ce qui fait une vie d’homme ? Les interminables discussions avec sa femme. L’auteur roumain Lucian Dan Teodorovici l’a compris mieux que personne, lui qui dans son nouveau livre met en scène un antihéros attachant, sorte de Woody Allen balkanique qui n’en finit pas de s’interroger sur le sens de sa vie et sur son couple, d’en discuter avec la mère de son fils. Dans ce roman atypique qui se présente comme une série de scènes de la vie conjugale, un portrait se dessine, celui d’un homme d’aujourd’hui, pris entre ses doutes, ses maladresses et ses désirs, lourd d’un passé national dont il ne sait que faire.
Soit un homme donc, bien ancré dans le monde actuel, citadin marié et jeune papa, journaliste qui voyage et mène une chouette vie. Et après ? Il aime sa femme, peut parfois la tromper, pour voir, et n’en finit pas de le regretter. Il peut être jaloux, infiniment, sans s’autoriser à l’avouer. Il peut aussi pleurer pour toujours la disparition de son amour de jeunesse, tout en tentant d’expliquer que cela ne change rien, qu’il est vraiment amoureux de sa femme, parce que la vie est faite d’empilements, pas d’exclusion. Comment être sincère ? Comment aimer sans mentir ? Comment éviter de faire souffrir et de souffrir soi-même ? Il se justifie, s’explique, s’excuse, écoute, au cours de discussions où le hasard le conduit à se remémorer des choses dont il n’aurait pas forcément voulu parler, à en entendre d’autres qu’il aurait préféré ignorer. Il est chez lui avec sa femme, ils sont en vacances avec leur fils, ils partent en voyage de noces, il est dans une chambre d’hôtel avec une autre femme, il passe une nuit à picoler avec ses copains. Il peut être tendre, drôle, piteux, triste ou confiant. Il essaie juste de vivre en accord avec lui-même.
Et une autre réalité, plus ancienne, toujours là, lancinante, affleure dans ses souvenirs. Le petit village où vivait son grand-père quelque part dans la campagne roumaine, les ruelles où troupeaux d’oies et cochons s’ébattaient en liberté. Les maisons des mystérieux tziganes où le petit garçon avait peur d’aller.
Le narrateur cherche ce qui relie les fragments épars qui constituent sa vie. Il se met à nu, dans un roman tout à la fois moderne et nostalgique, à la mesure de nos errements contemporains.