Ce récit poignant, fort comme un café serré est d’une écriture d’orfèvre, profondément masculine et rassurante. Malgré son ténébreux, ce récit est un plaidoyer bouleversant pour toutes les femmes. On pénètre dans cette histoire par la grande porte. Cruelle de vérité, âpre, implacable, elle annonce un drame dont l’évènementiel n’aura pas sa place. Dans ces lignes matures, pragmatiques se profile un langage contemporain, réaliste, maniant le verbe dans sa plus juste authenticité. Valério Romào se trouve auprès de Joana, l’hôte de cette histoire trop plausible. Néanmoins, la capacité de recul de l’auteur laisse entrevoir une ouverture pour le lecteur qui lit « Les eaux de Joana » en intériorité. Joana est vive, moderne, attentive aux siens, Jorge son mari et cet enfant dans son ventre, grotte parabolique où rien, absolument rien ne peut absoudre ce petit bout de vie, Francisco. Joana, seule, est écartée des affres. Le monde médical qui l’entoure devient la caricature d’un clown qui fait peur. Masque dont les ombres déchire le ventre de Joana. Ce récit démontre, pertinent, intuitif, les incompréhensions et la froideur sadique de tous ceux qui sont éloignés du ventre de cette jeune femme, matrice mère. Il insiste sur cet abîme, sur l’infini du gouffre, sur les douleurs morales de Joana qui a perdu les eaux de la vie. Ce récit décroche la palme d’or. L’auto-dérision est à portée de vue. Nous sommes dans ce brio où pourtant un drame se joue. Valério Romào a cette capacité extraordinaire d’écrire « Joana » en lettres capitales, emblème féminin des maternités universelles. Il dévoile la distance entre les faits et la réalité. C’est en cela qu’il est magnifique. Traduit du portugais par Joào Viegas ce deuxième récit après « Autisme » (finaliste du prix Fémina étranger) est aussi un livre sociétal et sociologique, une révérence pour toutes les femmes du monde, le point dans le centre de toute vie. Publié par Les majeures Editions Chandeigne.