En 1929, l’écrivain argentin Roberto Arlt publie son chef-d’œuvre, « Les Sept fous », qui marque une rupture avec la littérature réaliste. Dans ce roman aux accents dostoïevskiens, un personnage désespéré et inquiet trouve une voie d’émancipation possible par le meurtre. Visionnaire, mystique, halluciné, grotesque parfois, pessimiste souvent, le roman de Roberto Arlt semble anticiper les maux d’un monde dont les coutures craquent.
Employé dans une compagnie sucrière, Erdosain est accusé d’avoir volé six cents pesos et sept centimes qu’il doit rendre sans délai. Évoluant dans une « zone d’angoisse » permanente, oscillant entre idées noires et espoirs d’un lendemain réinventé, Erdosain part à la recherche d’un prêteur qu’il trouve en la personne d’un proxénète mélancolique, frayant avec celui que l’on nomme l’Astrologue, gourou mégalomane qui rêve d’être le chef d’une société nouvelle, entre communiste et fasciste. Désormais en fonds, Erdosain rentre chez lui pour découvrir sa femme avec son amant, qui lui annonce qu’elle le quitte. Au bord du gouffre, l’infortuné délire, avant de décider de tuer le cousin de sa femme, et de servir les projets délirants de l’Astrologue. L’ultime solution à son sentiment de vide lui semble le crime ; c’est pour exister qu’il se résout à la destruction. Dans une société violente et injuste, il fera partie de la confrérie des fous sur laquelle règne en maître l’Astrologue, sans pour autant être dupe de sa vision totalitaire. La mort, le suicide, le crime, la faute et la rédemption, toutes ces questions agitent notre antihéros. L’action du roman, fréquemment interrompue par des digressions métaphysiques, est indissociable du parcours intérieur de ce dernier, qui progresse de rencontre en rencontre avec des personnages hauts en couleur, humiliés dans leurs rêves de pureté et incapables de s’extraire de la fange dans laquelle les maintient une société divisée entre puissants et misérables. Roman moderne sur l’absurdité de la condition humaine, « Les Sept fous » est à redécouvrir d’urgence !
