On ne sait pas comment elle se nomme, on ne connaît pas son âge. On la voit arriver avec son père dans la maison des Kinsella. Il fait une chaleur étouffante. Cette maison irlandaise, non loin de la mer va l’abriter quelques semaines durant cet été. La famille qui est déjà grande va s’agrandir encore, sa mère attend un nouvel enfant. Histoire de la soulager un peu, les parents confient leur fille au couple Kinsella – eux n’ont pas d’enfant – jusqu’à ce que le bébé arrive.
Elle, elle ne dit rien, elle se laisse aller là où l’emmène. Le coeur lourd, elle avance vers un inconnu qui l’angoisse mais elle se tait parce qu’elle est obéissante, parce qu’elle ne veut pas déranger, parce qu’elle a peur de déplaire, parce que ses parents l’on voulu ainsi.
Puis, le père part comme ça dans une totale indifférence ; sans lui dire au revoir, sans l’embrasser, oubliant même de lui donner sa valise. La fillette se trouve là où on l’a mise avec deux étrangers.
Elle ne le sait pas encore mais ici elle va découvrir l’amour, l’attachement, la gentillesse, la tendresse, la bienveillance. Son existence jusqu’alors si morne va s’éclairer par petites touches délicates. En vivant auprès des Kinsella, elle va s’ouvrir comme une fleur – pétale est le surnom que lui donne d’ailleurs Monsieur Kinsella –.
Au contact du couple, elle s’aperçoit à quel point sa vie (avec sa famille) est misérable : problèmes d’argent, alcoolisme, des enfants livrés à eux-mêmes, aucune marque d’affection.
Ici, on prend soin d’elle ; on l’habille avec de jolis vêtements, on lui coiffe les cheveux, on lui prend la main, on lui parle, on lui demande son avis… elle existe aux yeux de ces gens-là, elle est « importante », elle a une place, elle participe à toutes les activités, découvre le jeu et la promenade, on a de l’attention pour elle. Loin de l’agitation familiale, ici on prend son temps, on regarde autour de soi. On tente d’être heureux même si la fillette sent bien que par moments planent d’étranges ombres sur la maison des Kinsella.
Alors quand il faut retourner chez elle, elle est bien malheureuse. Le ciel s’assombrit à nouveau. Quitter cet homme si bon et cette femme si généreuse est un déchirement. Une grande douleur envahit tout son être. Mais elle n’oubliera jamais. Personne ne pourra lui enlever tout ce qu’elle a vu, senti, entendu, touché, goûté cet été-là. Un petit roman rayonnant à l’écriture subtile et délicate. Faire de la fillette la narratrice de sa propre histoire et utiliser le présent donnent une intensité émotionnelle incroyable.
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