Lluis Llach, né en 1948 à Gérone, est connu pour sa carrière de chanteur et son engagement pour la culture catalane. Les yeux fardés est son premier roman, un grand roman populaire, une ode à la liberté, à la jeunesse et à l’amour, qui nous touche en plein cœur.
Lluis, réalisateur de cinéma aux abois, est sur le point d’accepter un documentaire régional sur la dépression des oiseaux en cage quand sa productrice lui obtient un rendez-vous avec un vieillard susceptible d’inspirer un scénario. Sans trop d’illusions, il se présente donc chez Germinal Massagué et tombe sur un homme de 87 ans portant beau, les yeux maquillés de fard bleu. D’abord déconcerté, Lluis se laisse vite séduire par cet homme extravagant qui décide de lui raconter son histoire. S’ensuivront vingt-six rencontres enregistrées au cours desquelles Germinal fait du cinéaste le dépositaire de sa vie. Et quelle vie ! Germinal est né en 1920 à la Barceloneta, quartier portuaire de Barcelone, d’une mère française et d’un père espagnol. Dans ce coin de pêcheurs et de marins, il forme avec David, Joana et Mireia, une bande d’amis inséparables qui grandit de conserve, insouciante et fraternelle : deux garçons et deux filles qui aiment la plage, les promenades, la poésie et les sorties. Ensemble, ils connaissent leurs premiers émois avec une liberté sexuelle sans tabou. En arrière-plan de cette époque intense, la ville républicaine est agitée par les mouvements syndicaux, mais les adolescents ne cèdent pas à la fébrilité qui dessine des ombres sur le visage de leurs parents. Ils ont d’autres préoccupations. Germinal découvre son homosexualité et son amour pour David, la grande passion qui guidera son existence entière, même au plus fort de la guerre civile qui broie les rêves d’une jeunesse sacrifiée, sommée de poursuivre un conflit entamé par la génération précédente. Germinal, au fil des entretiens avec Lluis, se met à nu, entier, bouleversant et magnifique dans l’évocation de son amour pour cet « Ami aimé » qui taille sa vie intérieure comme un diamant secret. Sa parole, rendue dans toute sa fluidité par une traduction admirable, nous emmène avec lui dans les recoins d’une ville populaire et vivante, sur les lignes des frontières et le terrain sulfureux des vengeances tardives.
Voici un roman fort, mu par des personnages debout, vibrants et libres, repêchés du tourbillon de l’Histoire oublieuse par un auteur en pleine empathie avec ces héros ordinaires.