Initialement publié en 1955, c’est le succès de la série Mad Men (qui s’en inspire) qui a permis la réédition de cet homme au complet gris (chez Belfond en 2015). Pas de Don Draper publicitaire mais Tom Rath, en 1953. Depuis son retour de la guerre, où il était parachutiste, il a eu trois enfants avec Betty et son travail dans une fondation peine à leur assurer un quotidien confortable. Il décide alors de tenter sa chance dans une grosse boite…
« C’est drôle, pensa Tom. Je suis toujours persuadé que les choses vont mal tourner et c’est généralement ce qui se passe. »
Tom a un mantra, qui date de l’époque où il attendait de sauter, lové dans un baquet d’un avion :
« Qu’est-ce que ça peut faire ? A Dieu Vat ! Ce sera toujours intéressant de voir ce que ça peut donner. »
Il se répète fréquemment ces trois phrases, dans l’ordre, et elles ont le pouvoir de le calmer. Pas tout à fait traumatisé, Tom est en tous les cas revenu de la guerre en ayant perdu le sens. Il s’efforce de mener une bonne vie, de faire ce qu’on attend de lui, mais une partie de lui est restée coincée dans les horreurs et les absurdités auxquelles il a été confronté. Betty, de son côté, s’ennuie.
Histoire d’un couple dans une période charnière- aussi bien dans leur propre cheminement que dans l’Histoire – ce roman est magnifique. Il expose l’entière fragilité de nos existences et rend de manière saisissante l’atmosphère des années cinquante. Si Mad Men séduit par la beauté formelle de ses images, le roman va bien plus loin dans l’analyse et rend irrémédiablement accro.