Voici le phénomène littéraire qui nous vient d’Espagne, où il bénéficie d’un succès critique et public considérable. Son auteur y parle de l’ETA et des blessures du terrorisme à travers l’histoire de deux familles basques que l’organisation indépendantiste va déchirer. Magistral portrait romanesque, sociologique et historique d’une époque et d’un pays.
Comme deux sœurs
Miren et Bittori sont originaires du même village et amies depuis toujours. Elles se sont même mariées la même année, en 1963, la première avec un ouvrier, l’autre avec le Txato, chef d’une petite entreprise de transport. A leur tour, leurs époux se réunissent autour du vélo, des parties de cartes et des repas de village. Lorsque Joxe Mari, l’un des fils de Miren, s’engage dans l’action armée nationaliste, sa mère prend d’instinct sa défense, tandis que des graffitis malveillants et des menaces visent le Txato, jusqu’à son assassinat en pleine rue de quatre balles dans le dos. Alors qu’en 2010 l’ETA annonce le dépôt des armes, Bittori, qui habite désormais à Saint Sébastien où est enterré son mari, multiplie les allées et venues entre le cimetière et le village, déterminée à découvrir la vérité sur le meurtre du Txato et à obtenir la demande de pardon du fils de son ancienne meilleure amie qui croupit en prison.
Deux familles, un village, un pays
A l’intérieur de courts chapitres, le roman alterne les points de vue et les temporalités avec une fluidité remarquable, traçant « un panorama représentatif d’une société soumise à la terreur ». Ici, l’idéologie séparatiste gangrène tout le village : le bar, la boucherie et même l’Eglise affichent leur soutien à l’ETA, dont la loi des armes entraîne chantages, extorsions de fonds et meurtres. Prisonniers de cette violence, meurtris dans leur chair et dans leur âme, les personnages sont soumis à la peur, à la souffrance et au silence. Fernando Aramburu sonde leurs consciences et donne une voix aux membres des deux familles qui ont éclaté avec l’assassinat du Txato. Il entremêle petite et grande histoire, roman familial et roman national, scrute les zones grises tout en se faisant l’écho des évolutions sociétales contemporaines. Cela donne une fresque passionnante avec des personnages incarnés et une réflexion sur le pardon.