Raquel Robles est née en1971. Elle a subi la dictature en Argentine de 1976 à 1983. Dans Petits combattants, son troisième roman, elle se sert de sa propre expérience pour raconter, à travers la voix narratrice d’une fillette, probablement son double rétrospectif, le traumatisme subi en Argentine par les enfants d’opposants militants disparus, enlevés par la junte au pouvoir.
Une nuit, « le Pire » est arrivé. Au réveil, une petite fille et son frère cadet découvrent que leurs parents ont disparu. Envolés. Emmenés par des militaires parce qu’ils étaient des résistants péronistes. C’est par la perte, ce sentiment de la fin de tout, que la fillette commence son récit. Les deux enfants sont recueillis par leur oncle et tante à Buenos Aires ; cependant, l’aînée, rongée par la culpabilité de n’avoir pu empêcher l’enlèvement de ses parents, se persuade de leur retour prochain et supporte sa nouvelle vie avec le sentiment du provisoire, entraînant son petit frère dans la poursuite de la lutte initiée par leurs parents. Leur jeune âge ne les empêche pas de se forger une conscience politique bien à eux : ils inventent des codes de résistance et de vigilance pour échapper à la répression, scandent des bribes de slogans contre l’impérialisme yankee, chuchotent des refrains révolutionnaires, imaginent des cachettes pour les partisans, et soulèvent une armée d’enfants « camarades » prêts à les suivre au combat. Dans ce pays en proie à la dictature, les enfants jouent, ils jouent sérieusement aux petits combattants, soudés dans la certitude d’œuvrer à la libération des disparus en maniant les armes que sont le jeu, la solidarité et la confiance en un avenir qui leur rendrait leurs parents.
Les adultes qui les entourent sont souvent désemparés devant le comportement mystérieux de ces gamins qui construisent un monde à la mesure de ce qu’ils en comprennent, en prenant leur mission à cœur, à la fois graves et candides. Car même s’ils l’oublient dans le feu de leur imagination, ils continuent de grandir et se laissent bercer par la vie qui persévère. Le temps passant, la petite fille troque ses stratégies contre des parties de marelle ou de cache-cache, s’amuse à parodier les chanteuses du moment, tombe amoureuse d’un camarade de classe et non de combat, apprend le crochet auprès d’une grand-mère aimante, et envisage un avenir un peu délesté de sa douleur, dans lequel elle se rêve pianiste ou danseuse de ballet, son cœur apprivoisant la joie de vivre. Enfin, les visages de ses parents deviennent de plus en plus flous dans sa mémoire, jusqu’à ce elle comprenne qu’ils ne reviendront jamais, mais que ce n’est pas non plus trahir ses idéaux que de vivre malgré et avec cette prise de conscience.
La voix enfantine utilisée par Raquel Roblès possède la naïveté et la spontanéité qui confèrent à ce roman attachant une tonalité à fois émouvante, dramatique et drôle, toujours juste. Le récit original prouve qu’aucune guerre n’épargne les enfants qui trouvent en eux la force de surmonter les traumatismes infligées par la violence des dictatures grâce à la puissance de l’imagination.