Un livre de martyrs américains
Joyce Carol Oates

traduit de l'anglais par Claude Seban
Philippe Rey
septembre 2019
860 p.  25 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu

L’Amérique déchirée

Je suis donc venu à bout de ce gros volume (850 pages –certaines, c’est vrai, peu remplies). La critique américaine le présente comme le livre le plus important de J. C. Oates. Il a en effet une portée sociologique qui interpelle l’ensemble des citoyens nord-américains; mais il parlera moins au lecteur français.

Plus que la question de l’avortement légal, violement polémique aux Etats-Unis, son thème est le clivage d’une société entre « arriérés », proches de la misère physique et surtout intellectuelle et ne pouvant s’en remettre qu’à Dieu pour exister –ils n’ont jamais lu que la Bible, et « évolués »: athées, rationnels, tolérants, aisés et possesseurs d’une riche culture. L’auteure appartient évidemment à cette deuxième catégorie, sans qu’on puisse dire, en lisant le livre, qu’elle prend parti pour elle. C’est la force de l’ouvrage. Faut-il le préciser, les prolétaires sont ici plus intéressants –parfois attachants– que les privilégiés. La littérature, comme Dieu, aime les pauvres.

Un livre recommandable, mais qui n’a pas la force des meilleures nouvelles de J.C.O.

partagez cette critique
partage par email
 
coup de coeur

Joyce Carol Oates figure en très bonne place dans mon panthéon personnel de mes auteures préférées. Toutefois, je n’avais rien lu d’elle depuis « Mudwoman ». Quel bonheur de la retrouver avec ce roman magistral. C’est un bonheur, certes, mais pas une lecture facile…un peu comme chacun de ses romans rétorqueront ceux qui la connaissent.

Etat de l’Ohio (celui qui sert toujours de test pour les élections présidentielles américaines) en 1999. Luther Dunphy, marié père de 4 enfants, après un parcours un peu chaotique, rejoint les rangs de la Pro-Life Action League et participe activement aux manifestations anti-avortements devant les Centres de Femmes où ces interventions sont pratiquées .

Augustus Voorhees, marié et père de famille lui aussi, est un gynécologue réputé qui s’est engagé dans la défense du droit des femmes, particulièrement celui à l’avortement. Il dirige la clinique de la petite ville où vit Luther Dunphy.

Ce dernier, emporté par la folie des groupes fondamentalistes religieux qu’il fréquente, ce réveille un jour « investi d’une mission divine » : il doit débarrasser le monde de ce suppôt de Satan qu’est Augustus Voorhees.

Le médecin sera abattu comme un chien devant la clinique où il exerce ainsi que l’homme chargé de sa sécurité par Luther Dunphy.

Ces coups de feu changeront irrémédiablement le cours des vies des membres des familles concernées. Comme les ricochets créés par le mouvement d’une pierre jetée dans l’eau, ces répercussions s’étaleront tout au long de leurs vies.

N’attendez pas de Joyce Carol Oates une prise de positions. Bien au contraire, elle dresse de façon détaillée, complète et sans compromission un portrait de chaque camp, un compte-rendu de la société américaine dans toutes ses contradictions.

Elle laisse au lecteur le soin de se questionner, un peu comme dans une recherche philosophique.

La lecture de ce pavé de 860 pages a été extrêmement intéressante, Il me faut maintenant un petit moment de latence pour entamer un autre roman au risque que celui-ci ne me paraisse fade.

partagez cette critique
partage par email