Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Le 3 décembre 1984, une explosion se produit dans une usine d’Union Carbide à Bhopal. Je m’en souviens, c’était chaotique, des milliers de gens sont morts ou blessés, une attaque d’une grande nocivité. J’ai senti mes poumons comme écorchés en dedans par des ongles, comme si quelqu’un avait lancé de la poudre de chili rouge dans mes narines. J’ai inhalé à nouveau et c’était pareil. J’ai grippé ma gorge et fermé les yeux qui me brulaient et larmoyaient. Puis j’ai tenu le bord de mon sari contre mon nez dans l’espoir de dissiper quelque peu les épices dans l’air mais rien ne parvenait à assainir l’atmosphère… Si Prakash était venu me prendre à l’arrivée de mon train deux heures plus tôt, j’aurais été sauvée, hurlai-je intérieurement… Anjali est à la gare de Bhopal ce soir là, elle attend son mari Prakash Mehra, un officier de l’armée. Il l’a oubliée, si seulement il avait été à l’heure, Anjali son épouse aurait eu la vie plus belle. Elle est là, à l’attendre et voit tout le monde autour d’elle s’effondrer. Il faut fuir à tout prix. Anjali vivra mais paiera le prix fort. Nous la retrouvons seize ans plus tard, elle est aujourd’hui mariée à Sandeep. Elle souffre de crises d’asthme et son fils Amar âgé de douze ans est gravement malade suite au gaz inhalés des années plus tôt par sa mère. Un jour, au marché elle croise Prakash dont elle est divorcée – fait unique en Inde seul 1 % des femmes sont dans cette situation. Il est là devant elle avec sa famille. Tout son passé ressurgit. C’est un premier roman choral que nous propose Amulya Malladi, un premier roman écrit il y a de nombreuses années, il vient d’être traduit par Geneviève Leibrich et publié chez Mercure de France que je remercie pour ce bel envoi. Anjali, Prakash vont revivre ce qui s’est passé seize années plus tôt. Le rêve de la jeune Anjali de se marier avec un officier militaire et de vivre bien, un mariage arrangé et une toute autre réalité. Le poids des traditions est fort en Inde, le divorce très rare. Anjali a franchi le pas en espérant le bonheur mais à quel prix car le regard des autres est lourd à porter, pour ses parents c’est le déshonneur qu’ils portent. Un premier roman qui nous parle finalement bien peu de la catastrophe de Bhopal mais nous fait découvrir la société, le poids des traditions, l’aspect politique avec le décès d’Indira Gandhi, les conditions des hôpitaux en Inde … Il est également question de culpabilité, de pardon. Une jolie plume. Je remercie Mercure de France de nous permettre de découvrir des auteurs du monde entier. Ma note : un coup de ♥ Les jolies phrases Le temps rend excuses et absolutions inutiles. Il ne guérit pas vraiment, il éloigne simplement les mauvais souvenirs, si bien que le cerveau ne peut plus éprouver à nouveau la douleur envolée. Tous les mariages ont des problèmes, mais les épouses ne s’enfuient pas et ne demandent pas le divorce pour autant. C’était la malédiction de la société. La femme était toujours à censurer. Dans tous les cas ! Si elle était violée, c’était de sa faute. Si elle était battue, c’était de sa faute. Si son mari la trompait, c’était de sa faute. Ce n’est pas juste, a-t-elle dit, qu’un petit garçon soit au courant des restrictions dont pâtissent ses parents. Les parents sont censés être infaillibles, être des créatures parfaites mais Anjali estimait que nous étions de mauvais parents parce que notre fils savait que nous étions faillibles. Pas parce que nous n’étions pas en mesure d’acheter des gombos tous les jours, mais parce que nous ne pouvions pas protéger notre fils ni le sauver de son propre corps. Le fils était l’héritier, celui qui était censé prendre soin de ses vieux parents, tandis que la fille était le propriété de quelqu’un d’autre dont on se débarrassait à la première occasion sur les épaules d’un mari et de ses beaux-parents. Retrouvez Nathalie sur son blog |
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