La cinquantaine déclinante, Martin se sent vieilli, usé, fané. Sa carrière de haut-fonctionnaire au sein du gouvernement irlandais bat de l’aile et sa vie familiale n’est pas des plus reluisantes, entre une épouse mutique et indifférente qu’il n’a pas touchée depuis des années, et trois filles devenues femmes se rêvant en héroïnes de « Virgin Suicides », et dont il ne comprend pas la passivité. En visite officielle en Chine, seul dans sa luxueuse chambre d’hôtel, Martin établit cet amer constat, alors que le ministre et ses conseillers ont préféré se rendre sans lui à Tianjin et Shangri-La. Relégué au second plan, une nouvelle fois. Il n’est après tout qu’un « fonctionnaire relativement insignifiant » et s’étonne de l’empressement du personnel de l’hôtel autour de lui. Pour rompre avec les idées noires qui l’assaillent et avec sa solitude, il commande à la réception un massage, ne sachant pas vraiment à quoi s’attendre. Mais la douceur et la discrétion de la jeune femme qui pénètre dans sa chambre le rassurent immédiatement, l’habileté de ses mains le plonge dans un état second, lui qui n’a pas été touché depuis si longtemps. La complicité qui s’installe entre eux malgré la barrière de la langue se change bientôt en désir sensuel, dont le charme reste intact pour Martin jusqu’à ce que la jeune femme, de condition modeste, monnaie ses faveurs.
Toute la tension de ce court roman réside, nous l’aurons deviné, dans le fait de savoir si Martin cèdera ou non à l’appel de la chair – résolution finalement éludée avec plus ou moins de bonheur, mais cela reste secondaire. Car ce qui nous touche dans ce récit, c’est avant tout la détresse de cet homme semblable à des millions d’autres, qui n’a pas vraiment l’étoffe d’un héros, mais dont on ne ne peut blâmer la médiocrité. En l’espace d’une nuit, mêlant l’expérience de ce massage au bilan de toute une vie, Dermot Bolger fait naître une certaine empathie entre son lecteur et son personnage. Si certains auront du mal à s’intéresser à l’histoire et aux doutes de Martin, il est probable que, pour d’autres, ce roman engendrera un même questionnement.