À la mesure de nos silences
Sophie LOUBIERE

FLEUVE EDITIONS
janvier 2015
304 p.  17,90 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Deux jours pour tout changer

Antoine, 18 ans, est « addict »  à Internet et préfère l’univers virtuel à l’existence réelle. Ses journées, il les passe devant son écran à exterminer les ennemis potentiels de ses jeux vidéo et à dialoguer avec ses amis via Facebook. Qu’importe que le Bac se profile à l’horizon car comme il le dit haut et fort : «Un Bac+5 c’est moisi comme un Kinder Surprise : tu as que dalle entre les mains. » Autant s’inventer sur la Toile un profil de héros.

Son  grand-père ne l’entend pas ainsi. Ancien patron de presse et gloire du journalisme d’investigation, François Valent en a vu d’autres. Il va cueillir Antoine à la sortie du lycée et lui propose un marché. Il a 48 heures pour le convaincre de poursuivre ses études. S’il échoue, il remettra à l’adolescent une somme d’argent rondelette et libre à lui de « foutre sa vie en l’air sans trop se fatiguer ».
C’est en fait sur les traces de son passé qu’il emmène son petit-fils, à Villefranche-de-Rouergue où il a passé sa jeunesse alors que la France était occupée, et où il fut témoin d’un épisode dramatique qui influença tout son parcours. De ce voyage aux allures initiatiques, naîtront peut-être la préservation de l’avenir d’Antoine et une sorte de rédemption pour François.

Dans ce nouvel ouvrage, Sophie Loubière dépeint avec sensibilité les relations d’un grand-père et de son petit-fils que tout semble opposer : un homme âgé, revenu de tout et qui n’attend plus grand-chose des années qui lui restent à vivre, confronté à un jeune en révolte qui en veut à la terre entière. Alors qu’ils roulent vers le Sud, progressivement les différences s’estompent, une complicité se tisse et le fossé entre Antoine et François se comble.

Rien de convenu dans ce portrait : chaque situation sonne juste et l’auteur insuffle à  ses personnages toute la tendresse qu’elle ressent pour eux.
Ce qui est parfaitement inédit, c’est la révélation par Sophie Loubière de ce pan d’Histoire méconnue : l’embrigadement en 1942-43  de jeunes Croates dans la 13ème division SS. Ces recrues à qui l’on avait fait miroiter la défense de leur pays, étaient  en fait destinées au front de l’Est. Une centaine d’entre elles se retrouva pourtant à Villefranche-de-Rouergue à l’automne 43. Méprisés de leurs supérieurs, ces soldats, pour beaucoup d’entre eux musulmans, choisirent de se soulever. Cette mutinerie fut réprimée dans le sang.
En portant à la connaissance du public, ce fait véridique, longtemps ignoré, Sophie Loubière rend hommage à ces victimes, oubliées de la Seconde Guerre Mondiale.

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