Ce qui est nommé reste en vie
Claire Fercak

Verticales
janvier 2020
160 p.  16 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Envoutante litanie

Parfois, ce sont les livres qui vous choisissent. Vous savez bien. Un coup de vague à l’âme, votre main attrape un roman au hasard et vous voilà embarqué dans une histoire abracadabrantesque qui vous redonne le sourire. Un souci au boulot et hop, une pépite philo qui vous aide à prendre illico la bonne distance avec votre quotidien professionnel.

« Ce qui est nommé reste en vie », le titre de ce joyau, m’est tombé dessus après l’enterrement d’un ami, parti trop tôt, trop jeune et trop vite d’un cancer. Je l’ai ouvert un peu à reculons, picorant des phrases, ici ou là. Elles faisaient mouche.

Je suis revenue au début et j’ai lu. Plus attentivement. Cette curieuse litanie avait quelque chose d’envoûtant. Sensation de quitter un cloître pour entrer dans une salle de concerts rock.

L’auteure utilise une langue et, surtout, une musicalité peu habituelle. Alternance du « on » et du « vous », parfois se glissent quelques « je ». Sont-ce les monologues de patients atteints d’une incurable tumeur au cerveau ? Ou la voix des endeuillés ? Qui parle, dans ce court texte semblant déstructuré ?

Les paragraphes déambulent dans des couloirs de morts annoncées. Les chapitres ont des numéros de chambres, des noms de contes pour enfants. Parfois, ils se nomment Glioblastome ou Jardin du centre de soins palliatifs. Derrière les mots, on devine un père, une épouse, une fille, un proche, un mourant.

L’auteure (s’) interroge : « Comment maintenir une vie sociale, amicale, familiale (…) ? Comment demeurer un parent, un conjoint, un amoureux, un enfant (…) ? L’impact de la pathologie dans votre vie ne peut être quantifiée : elle est là, immuable, vigoureuse et invasive, souveraine ».

Au gré des pages, il n’est pas rare de passer de l’amusement à l’étonnement, d’esquisser une moue interrogative…de se laisser envahir par l’émotion d’une scène, par le surgissement d’un souvenir. Il est des livres aux vertus cathartiques, à la beauté parfois difficile à saisir qui, quand elles se frayent un chemin jusqu’au cœur procurent un étrange apaisement. Tous ne seront peut-être pas sensibles à cette poésie, cette musicalité parfois asynchrone. Qu’importe. Les rencontres ne se font pas toujours.

« Toute perte est unique. Mais c’est chaque fois la fin d’un monde ». Tellement vrai…

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