critique de "Chaque seconde est un murmure", dernier livre de Alain Cadéo - onlalu
   
 
 
 
 

Chaque seconde est un murmure
Alain Cadéo

Mercure de France
collection bleu
avril 2016
144 p.  14 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur nuit blanche

Un petit bijou.

J’avais adoré Zoé, il en est de même pour ce nouvel opus. Alain Cadéo est vraiment un orfèvre des mots, il a le don de les assembler et d’en faire à chaque fois un récit merveilleux. Iwill devient un homme à l’âge de dix-neuf ans, suite à un accident de voiture. Il y a perdu Catherine, son amie de coeur, celle qu’il avait rencontrée à l’âge de quatorze ans, celle qui le comprenait vraiment lui, ce grand échalas rouquin, écorché, devenu bègue au point que pour s’exprimer il murmurait. Les mots se bousculent dans sa tête, il aime les écrire dans son carnet – six lettres . Il a un toc, il compte les lettres de ceux-ci. Au lendemain de l’accident, il étouffe, prend un sac et marche au gré du vent. Il fuit. Il est en quête de liberté. Il avance. Ses pas l’emmèneront chez Laston et Sarah à Luzimbapar, un couple étrange coupé du monde vivant reclus avec une meute de chiens. Il sera accueilli, un pacte l’autorisera à partir lorsque Iwill aura rempli un grand cahier de comptes noir. L’écriture pour gagner sa liberté… Un livre initiatique. J’ai adoré cette plume fluide, riche, vraiment magnifique. Alain Cadéo est un poète et un orfèvre des mots. Son écriture est sensible, sensuelle. On se laisse porter par la beauté des mots s’envolant tels des papillons sortant de leur cocon. Splendide. Un récit rempli de sincérité et d’humanité. C’est un vrai régal, une friandise dont on en redemande. Chaque mot est choisi avec précision comme un joaillier. Alain Cadéo taille dans le brut pour en faire un diamant scintillant de mille feux. J’en redemande. Un méga coup de coeur.
Ma note : ????? Les jolies phrases J’ai bien senti, depuis longtemps, que les mots que les humains échangent ne sont qu’un lointain reflet d’une émotion quelquefois impossible à formuler. Aussi bien prononcés soient-ils, les mots ne sont que bredouillements, balbutiements d’adolescents vaniteux, bègues du coeur comme moi ou défaillants. Le vrai, l’intense, la parole intouchable, c’est le mystère de ceux qui frôlent l’absolu. Tu es suffisamment riche pour m’offrir un peu de toi même. Ce sera mon cadeau, ce sera le meilleur de ton passage ici. Sarah, c’est un bloc de pain d’épices et, loin d’incarner l’innocence, elle a la lourdeur des secrets, le velouté de l’interdit. Elle est la mûre promesse d’une chair offerte comme la bouche d’un volcan assoupi. Oui, une vie ça ne pèse pas lourd quand on veut la mettre en mots, mais si tu tombes sur un regard compatissant, c’est comme un glacier qui n’en finit pas de fondre. Et alors là, toute ton existence te file entre les mains. C’est terrible d’aimer des gens qu’on ne supporte pas plus de trois jours. Alors, moi aussi, un jour, d’une certaine manière j’ai fini par me taire, me taire ou me tarir, ou l’inverse, trop riche et pas assez de mots. Je suis devenu bègue. Et puis un jour le débit s’est bloqué. (…) Le torrent s’est arrêté net et je me suis retrouvé tout bredouillant, comme un lavabo à moitié bouché qui gargouille, avec autant de choses à dire qu’avant, mais tout sortait au ralenti. Il ne faut jamais rien promettre aux enfants. Je parle là des tout-petits. Leur imaginaire est immense et vos cadeaux d’adultes seront toujours un mauvais troc. Rien n’est plus beau pour moi que le sourire d’une gamine dont on devient le chevalier servant. Accompagner l’imaginaire, le précéder parfois, arriver à réaliser ce qui brille le plus dans la tête d’un enfant, c’est quand même un peu plus fort que de fourguer un truc en plastique dégueulasse reproduit à l’identique sur des millions d’étagères, imposant sa loi d’adulte et leurs désirs préfabriqués. Ça voulait dire en plus que chaque minute de ta vie est peut-être la dernière que tu peux en faire un petit chef d’oeuvre au lieu d’en faire un truc brouillon stupide et dégueulasse. Les mots, je les voyais ainsi, à la fois durs, tendres, rouleurs et palpables, pleins de nuances infinies. Tellement riches et purs que pour les approcher on ne pouvait que balbutier. et la suite de la page 116 magnifique.

Retrouvez Nathalie sur son blog 

partagez cette critique
partage par email
 

Pars tranquille…

Après « Zoé », Alain Cadéo revient avec son style fluide qui fait mine de ne pas y toucher mais qui suit un chemin bien précis vers une certaine humanité. Iwill est un jeune garçon de 21 ans qui a subit un traumatisme deux ans auparavant dans un accident de la route : sa copine Christine y a laissé la vie. Alors lui a décidé de prendre la route à pied et de voyager librement à travers le monde jusqu’à poser son sac chez Sarah et Laston. Sarah retiendra Iwill le temps qu’il noircisse les pages d’un vieux cahier de comptabilité. Avec ses colonnes débit/crédit, Iwill s’y livre donc à un véritable bilan de sa vie, comptable de ses propres sentiments, de sa propre histoire. Tiraillé entre son attirance pour Sarah, la figure paternelle et protectrice de Laston et le besoin viscéral de repartir à l’aventure, Iwill ne sait pas trop ce qu’il veut ou ce qu’il peut faire. Alors il reste en attendant un événement qui le poussera à repartir. Alors pendant ce temps, il fait défiler devant ses yeux sa vie, au ralenti, en prenant le temps de comprendre qui il est et ce qu’il fait là, dans cette sorte de no man’s land psychologique qui l’oblige à se regarder lui-même, à faire son introspection. Sarah et Laston sont comme un havre de paix pour Iwill, les deux facettes d’une personnalité qui pourrait être la sienne. Et c’est aussi pour cela qu’il reste, témoin de lui-même. Et puis… Et puis… Et puis en fait pour le reste il faudra que vous lisiez ce petit livre pour comprendre qui sont Sarah et Laston, pour saisir la subtilité et l’intelligence d’Alain Cadéo et toute sa sensibilité dans le final du livre que je ne vous dévoilerai évidemment pas.

partagez cette critique
partage par email