Chère Jodie
Clovis Goux

Stock
mars 2020
236 p.  20 €
 
 
 
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coup de coeur

Goux, sans faute

1981, 30 mars, 6 balles pour Reagan Ronald, alors Président des USA. Toutes n’atteignent pas leur cible, aucune ne sera fatale. John Hinckley est le tireur. Il est aujourd’hui une réponse du Trivial Pursuit et le sujet d’un roman de Clovis Goux, auteur qui avait précédemment sévi avec un livre sur Karen Carpenter, chanteuse des Carpenters, ce qui vous situe un auteur.
Hinckley n’a pas, en tirant sur Ronald, effectué un geste politique, un manifeste tonitruant pour dénoncer une guerre ici, une corruption là bas, il a plutôt envoyé par cette action un doux message, une sorte de SMS à l’odeur de poudre, à destination de sa fascination, sa vie, son rêve, sa folie douce : Jodie Foster.
Foster, qui, bien avant de courir après Hannibal Lecter, avait explosé aux yeux de beaucoup dans le premier chef d’oeuvre de Scorcese, Taxi Driver, aux côtés d’un De Niro loin des Kia, alors.
L’actrice femme enfant Foster fascine Hinckley, c’est peu de le dire. En fan tordu, il aurait pu alors la descendre elle, ça c’est déjà vu, mais préféra une action plus spectaculaire, qui le révèlerait aux yeux du monde, le rendrait célèbre. Célèbre comme ces tueurs en série qui fréquentent ce roman, d’interludes sordides en apartés ignobles.
Goux nous raconte Hinckley et l’Amérique, bien sûr, en posant comme jalons une multitude d’affaires plus ou moins connues et toutes totalement horribles.
Hinckley, sous prétexte de séduire Foster, cherche la gloire de Gacy, la gloire de Bundy, la gloire du tueur d’Atlanta, ou peut-être celle d’Oswald.
Parce que tirer sur un Président est une habitude séculaire aux USA. Presque un rite de passage dans cette nation de flingues.
Aujourd’hui encore, on achète surtout des armes avant de se confiner. On sait jamais.
Et ce « chère Jodie » alors?
Une écriture juste ce qu’il faut, serrée et froide, mesurée et équilibrée, un sujet original, un objet vite passionnant et des premières pages géniales, avec un rêve de Reagan l’acteur de série B, pas encore élu. Parce qu’il y a aussi cela dans cette histoire : cette manie qu’ont les américains d’installer en leur sommet d’improbables bonshommes : Reagan, Bush Jr, Trump, sans oublier Schwarzenneger gouverneur de Californie et pas bienvenue à la Maison Blanche parce qu’autrichien, mais sinon…
Et si « Chère Jodie » était aussi le bon cliché, le bon instantané d’un grand cirque, d’un grand n’importe quoi? Un acteur de série B devenu Président presque flingué par un dérangé fou d’une actrice tout juste adulte dont le premier rôle marquant est celui d’une prostituée? Ça vaut bien l’exilé cubain qui abat le Président catholique irlandais obsédé sexuel dont le père mafieux acheta l’élection, non?
N’importe quoi, sous n’importe quel prétexte. N’importe quand. N’importe qui.
« Chère Jodie » : après les Carpenters, Clovis Goux s’attaque aux punks. (Alors qu’avec un tel titre, il aurait pu se coltiner les innocents.)

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