Cette chronique parle de guerre, parle d’intervention américaine, parle d’islamisme, parle de musulmans, parle d’arabes, parle de religions et pourtant il ne parle pas de la Syrie, ni de Daesh. En fait, Louise Caron parle quand même de tout cela mais à travers l’intervention américaine en Irak.
Nous sommes en 2007, pratiquement quatre ans après le début de l’intervention de l’armée américaine. Sorhab, étudiante à l’université de Bagdad, décide sur un coup de tête de suivre Naïm, dont elle est amoureuse, qui vient de lui annoncer son engagement auprès des troupes d’Al-Qaida après le décès de son père. Les familles de Sorhab et Naïm ont déjà été durement touchées. Ils ne sont que la représentation de la souffrance de toutes les familles irakiennes.
Nous sommes en 2007 et Niko Barnes sert dans l’armée des Etats-Unis et participe aux opérations sur le terrain, voit ses compagnons d’armes tomber les uns après les autres, écrit dans ses carnets les pensées qu’il n’a pas le droit de livrer à ses supérieurs et rêve de les publier. Il a déjà participé aux interventions en ex-Yougoslavie. Chacune de ces guerres laisse des traces profondes dans la chair et la psychologie de ce soldat pas comme les autres qui va finir par tuer Naïm, par erreur.
Les chemins de Sorhab, de Naïm et de Niko se croisent et se recroisent jusqu’au dénouement, jusqu’à l’ultime pied de nez qui verra Sorhab mourir et Niko survivre.
Louise Caron invoque les fantômes d’êtres vivants et d’événements qui n’ont jamais eu l’occasion d’avoir la main sur leurs destins ou sur leur déroulement, subissant sans cesse la volonté de puissances inatteignables, inexorables. Les cendres évoquées par Louise Caron planent au-dessus des ces êtres et de ces événements. Abu Ghraib, Bassora, Bagdad, Saddam Hussein sont autant de lieux et de noms qui parlent à notre (in)conscient collectif, qu’on a entendu à l’envi, que nous avons intégré à notre propre histoire malgré la distance.
Louise Caron dénonce, tout au long des pages de son récit, le rôle aujourd’hui dévoyé de la religion et l’impact qu’elles ont toutes eu sur notre histoire récente, sur notre rapport à l’islam, sur notre façon de penser l’intégration et notre relation aux autres. Elle dénonce ainsi l’instrumentalisation de la religion. Elle dénonce aussi l’impossible compréhension ou réconciliation de deux visions de la vie, l’aveuglement des uns face à l’aveuglement des autres et surtout les conséquences dramatiques sur les populations civiles tant physiquement que moralement.
Cette chronique est un magnifique récit sur la vengeance, sur le destin, sur une certaine forme de fatalité, sur une autre de futilité. Louise Caron livre un récit plein d’humanité dans le sens de nature humaine dans ce qu’elle comporte de parts de lumière et d’ombres, de feux et de cendres.