Les internautes l'ont lu
Retrouver l’écriture d’Alain Cadéo est toujours une joie, la promesse d’une lecture hors du commun, son art de dompter les mots, de les assembler de manière particulière. C’est une langue poétique, sonore, qui claque et que j’aime par moments lire à voix haute pour en savourer la musicalité. C’est un récit initiatique qu’il nous propose, un conte philosophique qui nous amène à une nouvelle naissance. Barnabé-Raphaël a tout. Il a 37 ans, a toujours voulu performer, briller et a une belle carrière derrière lui. Un jour, la présence d’un clochard depuis plusieurs jours à la sortie de son bureau l’interpelle, il lui lancera une phrase qui le poursuivra. « Pourquoi es-tu si dur ? » Une phrase qu’il se répétera à lui-même comme un mantra et qui sera l’élément déclencheur. Du jour au lendemain, il abandonne tout, son travail, vend son studio parisien, se dépouille et prend la route pour se retrouver. Objectif, remonter le temps et retrouver la genèse, le commencement, au bord de l’océan. En chemin il fait de belles rencontres; Mathilde Barigot, nonagénaire, amie de sa grand-mère, une jolie chienne noire Giusa, un villageois retraité, le tout sur la route de l’océan. Elena, elle est issue d’une famille de « femmes ». De génération en génération, les femmes sont seules, l’absence, le manque du père sont caractéristiques dans sa famille. Elle aussi a changé de vie il y a sept ans. Elle a quitté la ville et depuis travaille chez les soeurs Romero au bord de l’océan. Deux êtres différents, cabossés tous deux de la vie, deux êtres qui sont à la recherche d’eux-mêmes, de la beauté du monde. C’est un roman qui nous raconte le retour à l’essentiel, à la beauté du monde, à se recentrer sur ses émotions et la profondeur de l’âme humaine, le tout avec ce phrasé particulier, les inventaires de mots, une langue qui est généreuse, sincère et toujours très poétique. Il faut prendre le temps de le savourer, une écriture pour les amoureux des mots. Excellent moment, merci aux éditions La Trace que je vous invite à découvrir, des dénicheurs de pépites. Ma note : 8.8/10 Les jolies phrases Tout au fond du regard des très vieilles personnes, il y a des niches vivantes et vivaces, des sanctuaires pleins de silhouettes colorées et j’entends même claquer les semelles en liège des jeunes filles d’autrefois, leurs fous rires, leurs chagrins, leur insouciance… Elle s’est sentie vivante à évoquer tous ces morts alors que moi, vampirisé, exsangue, j’ai l’impression de sortir d’un caveau. L’ignorance est un trésor d’un prix infini, que la plupart dilapide, quand il faudrait en retenir les moindres parcelles. Les uns la gâtent en s’instruisant, les autres la laissent perdre, incapables de l’idée même de s’en servir… Tout ce qui vit, doute. Tout ce qui doute a, au moins un instant, des frémissements d’intelligence. Car rien n’est clair sur cette putain de terre. Et c’est dans les failles du doute que parfois poussent les plus étranges fleurs. L’homme qui marche qu’avec sa tête, il trouvera jamais l’aimant. Celui qui marche qu’avec son ventre ou ses tripes non plus. Mais celui qui avance tout entier avec son coeur, celui-là il a peut-être des chances de le trouver. Mais tu vas me dire : C’est quoi le coeur ? Le coeur, c’est le courage, la foi et la passion. Pour être un bon cambrioleur il faut beaucoup d’humilité. Il y aura toujours, quelque part, un coffre-fort qui vous résistera. Et c’est celui-là qui va vous obséder. Tant que tu n’auras pas trouvé le chiffre, le code, le sésame ouvre-toi d’un autre qui t’attire, tu resteras comme un malheureux devant la porte des limbes. C’est pas l’amour qui manque, y’en a partout autour de nous, ce qui manque c’est les yeux pour le voir. Retrouvez Nathalie sur son blogÂ
coup de coeur
Comme un enfant qui joue tout seul d’Alain Cadéo aux Éditions La Trace
Raphaël est un trentenaire qui a réussi dans la vie. Étudiant acharné, il s’est fait une belle place au soleil dans l’or des ministères. Mais est-il satisfait pour autant de son existence ? « Oui, j’ai trente-sept ans, toutes mes dents et l’énergie d’un condottiere. J’ai sillonné le monde à grandes enjambées. J’ai travaillé comme un bourricot, noria des forçats de l’ère post-moderne. J’ai séduit, intrigué, connu l’ivresse du pouvoir, pauvre de moi.. Et la voix d’un clochard un jour m’a remis à ma place : « Pourquoi es-tu si dur ? » Je me souviens toujours de cette voix. Elle fut le déclencheur de ma dégringolade ou de mon ascension. C’est selon. » Cette réflexion d’un SDF va faire réfléchir Raphaël sur sa vie, s’interroger sur ses priorités. Il décide de tout plaquer. Il démissionne, se débarrasse de son appartement et de la plupart de ses biens. Il ne garde que sa voiture et une caisse de livres. Libre de tout ce superflu qui le clouait au sol dans un confort lénifiant, il prend son envol. Il prend la route vers les lieux de son enfance, vers le berceau familial, vers l’océan. Direction le Sud-Ouest. Il veut renouer avec son passé pour se construire un avenir. Éléna vit au bord de l’Océan Atlantique. Après une escapade de quelques années à Paris pour s’éloigner d’une mère aimante mais qui ne sait pas bien le montrer, d’une mère qui n’a jamais voulu lui parler du père qu’elle n’a pas connu, elle est de retour au bercail. Après cette fuite en avant, cette période d’errance ponctuée de petits boulots et de relations d’un soir, elle est revenue panser ses blessures auprès de l’Océan qui lui manquait tant. Elle partage son temps entre son travail dans un hôtel de la côte, son fils Lorenzo et sa mère. « La route bétonnée, droite au milieu des pins, les cinq kilomètres qui la séparent de son lieu de travail, qu’elle les fasse à vélo ou en voiture, lui font battre le cœur, soit qu’elle retourne vers son fils, soit qu’elle s’approche de l’Océan. Marée montante ou descendante de son âme, rythme désormais quotidien, aller vers ou s’éloigner de l’immense masse en mouvement vivant et familier… Mais ne plus jamais perdre le contact avec cette présence tutélaire. » Ce roman, c’est l’histoire d’une rencontre, de tous ces éléments qui conduisent deux êtres que tout semblait séparer à se connaître, je dirais à se reconnaître. Pour qu’une rencontre soit possible il faut être disponible, être sensible aux multiples signaux que nous envoie l’univers, savoir écouter son intuition. Car la nature sait tout, de toute éternité. Mais pour pouvoir capter ces signaux il faut se débarrasser du superflu, libérer son âme de tout ce qui l’emprisonne, vivre en communion avec la nature et non sur son dos. Comme un enfant qui joue tout seul est un superbe roman plein d’une très belle philosophie. Une conception de la vie portée par les mots d’Alain Cadéo, par une poésie aussi hypnotique et apaisante que le bruit des vagues qui viennent s’échouer sur la grève et aussi vivifiante que le vent du large. Ouvrir un livre d’Alain Cadéo est toujours un privilège, celui-ci ne déroge pas à la règle. Découvrez cet univers poétique et philosophique si inspirant. Laissez- vous porter par la musique des mots de l’auteur. |
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