Ann Scott est de ces auteurs dont on se rend compte qu’ils nous ont manqué quand arrive un nouveau texte ! Comme cette pépite, sept ans après « A la folle jeunesse » (chez Stock, 2010). Pour la génération X, elle est l’écrivain du cultissime « Superstars » qui sut si bien rendre compte d’une époque biberonnée à la techno, au punk, au rock alternatif et à cet état d’esprit si particulier des années 80 que sa camarade Virginie Despentes décrit également dans sa trilogie « Vernon Subutex ».
Des Oscars explosifs
« Cortex » est plus ancré dans l’époque actuelle. L’histoire se déroule à Los Angeles. Trois personnages s’y croisent : Angie une réalisatrice française qui vient de renouer avec Jeff, son premier grand amour; Russ, un producteur septuagénaire veuf depuis peu; et Burt, scénariste et humoriste new-yorkais. Tous trois sont présents à la cérémonie des Oscars lorsqu’une bombe explose et fait d’innombrables victimes.
Sans s’appesantir sur le pourquoi de cet attentat ou sur l’identité de ses responsables, Ann Scott s’attache à suivre Angie, Burt et Russ qui sont sortis indemnes, physiquement, de ce drame. L’état de sidération, la colère, le déni, la culpabilité même pour l’un de ces personnages (celle du survivant, ou autre chose ?…) sont observés et racontés. Les routes de ces trois protagonistes vont se croiser dans les jours qui suivent l’attentat.
Les mythes foudroyés
Angie cherche Jeff, dont elle est sans nouvelle, aidée par Russ qui a participé aux premiers secours puisque qu’il était présent comme co-producteur pour cette cérémonie glorifiant le cinéma.
Angie, Russ…mais aussi Burt, qui se filmait en dehors du théâtre où se déroulaient les Oscars au moment de l’explosion, se retrouvent dans un entre-deux bizarre, l’épuisement et l’abattement alternent, une forme de violence larvée et d’impuissance aussi…
Les médias et les réseaux sociaux n’apparaissent que par intermittence, sans que soit montré jusqu’à l’écœurement les images de l’attentat. Alors que Jeff est retrouvé dans un hôpital, bien amoché, la violence de cette tuerie va revenir les frapper. Et foudroyer le lecteur tandis que les noms des premières victimes commencent à tomber. Meryl Streep en fait partie. Surgissent alors comme autant de vagues sur une mer agitée des scènes mythiques, des souvenirs de films…
Ann Scott ne questionne pas seulement notre rapport au cinéma, aux films qui ont nourri nos imaginaires, à ces stars légendaires qui nous servent de modèles… Elle nous prend aux tripes lorsque l’on se retrouve confronté à ce vide : que nous resterait-il si les Dieux de cet olympe cinématographique étaient décimés ? Où trouver de quoi nourrir notre soif inextinguible de beau, d’art, de culture ?