Dans nos langues
Dominique Sigaud

Editions Verdier
février 2018
144 p.  14,80 €
ebook avec DRM 10,99 €
 
 
 
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coup de coeur

Langue vivante

Avant d’entrer de plain-pied en littérature, Dominique Sigaud a sillonné le monde arabe et l’Afrique pour son métier de journaliste. Sa réflexion et son écriture se sont aiguisées dans l’exercice de cette activité, dont elle garde une exigence de transmission de l’expérience, comme dans ce récit autobiographique où elle interroge son rapport à la langue : éblouissant.

Dominique Sigaud raconte un souvenir fondateur : elle enfant, tenant la main de sa mère devant la porte d’entrée d’une certaine Madame de L. dans un quartier chic parisien. La porte franchie, elle découvre un nouveau milieu social et la séparation d’avec la mère qui en adopte les codes. Après la langue maternelle viendra celle de l’institution catholique non mixte qui, dans un double mouvement, éduque et réprime. La langue de l’école laïque et provinciale arrive plus tard, ouverte et inventive, élargissant les bornes étriquées de la famille au sein de laquelle l’adolescente se rebelle ; elle « répond », ment, affabule ou se tait. A chaque étape de la vie correspond sa langue : celles des études, des expériences intellectuelles et sexuelles, mais toujours quelque chose achoppe, qui l’exclut. Des années de psychanalyse aideront Dominique Sigaud à trouver sa langue et à se trouver soi.

Journaliste indépendante, elle parcourt les pays en guerre, le Rwanda, l’Algérie, le Liban, où elle comprend la nécessité vitale de recueillir la langue de l’opprimé. Dire l’autre et sa vérité, c’est aussi dénoncer la langue officielle qui sert les intérêts de l’oppresseur, oblitère les crimes et offre une respectabilité. Parfois la recherche, le tri entre les langues et ce qu’elles racontent brouillent les pistes, et quand le vocabulaire médical fait irruption dans la vie de l’auteure, il met au jour une réalité crue qui prend toute la place. Succédant aux longues périodes de silence, le verbe irradie dans le compagnonnage des écrivains, Marguerite Duras en tête. Alors c’est limpide et le désir d’« exploser les portes » reprend ; l’individuation advient par le style : « je me reconnais une existence parce que j’écris ». Cette « fiction centrale » célèbre les retrouvailles avec soi et résonne avec ce que le lecteur connaît aussi de plus profond.

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