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Pétard mouillé
« Il était une fois seulement, dans un splendide palais sur les rives du Bosphore, une jeune femme qui s’apprêtait à poser une bombe… Qu’est-ce qui pousse Ophélie, à déposer la bombe, non pas à « Tarabaya, au pavillon Huber, ou le président séjourne en ce moment », mais au bord de la piscine du Four Seasons Bosphorus, et ainsi, en détourner le message politique? Entre deux « actions » Ophélie se raconte, raconte sa vie avec son amant, ses débauches, et aussi, les abandons successifs de sa mère qui l’ont totalement déboulonnée. Il n’y a en elle que des ruines sur lesquelles elle ne peut s’appuyer pour avancer. Un premier roman détonnant et prometteur !
« Il était une fois, dans un splendide palais sur les rives du Bosphore, une jeune femme qui s’apprêtait à poser une bombe… » En revenant à cet incipit après avoir terminé ce livre, je me dis que cette entrée en matière est rudement bien choisie tant elle donne le ton de ce qui va suivre. Je me dis aussi que l’aventure des 68 premières fois m’offre, parmi 150 premiers romans lus chaque année quelques découvertes vraiment intéressantes. De la bombe en est un bel exemple. Un roman culotté, une écriture rythmée, élégante, charnelle parfois. Une héroïne étonnante, complexe, tourmentée et qui provoque des sentiments très divers chez le lecteur, entre incompréhension, compassion et colère. Qui est-elle cette Ophélie qui dépose d’un air tranquille une bombe dans une cabine de piscine en plein milieu d’un hôtel de luxe d’Istanbul ? Défend-elle une cause ? Que fait cette jeune française établie en Turquie depuis plusieurs années, sans travail, hébergée grâce à l’entregent du mystérieux Sinan, son amant et protecteur ? Quelle relation entretient-elle avec la belle Derya, dont la sensualité agit comme un aimant sur ceux qui l’approchent ? Après avoir déclenché le détonateur, Ophélie se terre dans son appartement d’un quartier chic d’Istanbul avant qu’une succession d’événements ne la projettent dans un road-trip sur les routes du pays. « A force de ne pas parvenir à me faire aimer d’un seul individu, il me reste la possibilité de me faire haïr du monde entier. » Au fil de l’intrigue, on en apprend un peu plus sur Ophélie, les failles secrètes qui l’ont menée dans ce pays, on comprend peu à peu quels sont les ressorts de cette fuite en avant qui passe par les sensations, la quête charnelle, la prise de risques. Est-elle sous emprise Ophélie ou au contraire en pleine maîtrise ? J’ai dit que ce livre était culotté. C’est vrai qu’il faut un certain culot pour faire de cette poseuse de bombe une héroïne sur le fil du burlesque. Mais ça marche parce que les ressorts psychologiques qui l’animent sont parfaitement fouillés et crédibles. Ca marche aussi parce que le parfum de l’Orient irrigue le récit, là où Istanbul marque la frontière entre Orient et Occident, ce qui projette une atmosphère singulière, entre contes orientaux et réalité politique avec notamment l’évocation de l’opposition Kurde. Si j’ai aimé ce livre, c’est vraiment grâce à l’écriture de cette jeune auteure qui rend le parcours rien moins qu’envoûtant et fait oublier l’horreur liée au thème (et que l’actualité nous rappelle malheureusement trop souvent). Elle parvient à allier force et légèreté dans un cocktail aux accents poivrés et acidulés. J’ai parfois pensé à un autre premier roman, Moro-sphinx de Julie Estève dont l’écriture possédait cette même force suggestive et dont l’héroïne, Lola était tout aussi complexe. Une belle découverte et une plume que je suivrai à l’avenir, sans aucun doute. http://www.motspourmots.fr |
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