Rodolfo Marchant, alcoolique, son médecin vient de lui apprendre qu’il ne lui restait que sept mois à vivre. Assis à la terrasse d’un café, dans la force et l’abandon de son ivresse, il aborde une femme mûre tant il est subjugué par la beauté de ses jambes sans bas. Elle, âgée, lui malade…
« Ce n’était pas la beauté défraîchie, mais encore décelable qui l’attirait ; ce n’étaient pas les mille vies enfouies derrière ces yeux absents, sans doute passionnantes, ni le mystère de son apparente mais rayonnante simplicité. C’était, peut-être, qu’ils parvenaient l’un et l’autre au terme de leur parcours. »
Elle, Dorothy White, septuagénaire, ancienne danseuse, est venue à Venise se recueillir sur la tombe de son amour de jeunesse, danseur, mort devant elle sur scène, c’est ce qu’elle lui dit. Lui, Rodolfo Marchant, sans boulot, ruiné, devenu par la grâce du mensonge et de l’ivresse du septième verre, Rodolfo Marchanti, ténor à la Scala, descendu à l’Hôtel Excelsior.
Chaque soir, ils l’invitent à la Fenice, à partager sa loge, chaque fois la soirée se termine dans la suite de Rodolfo Marchanti.
Grâce à elle, il boit de moins en moins, par lui, elle semble vivre pleinement cet aparté amoureux. Un pas de deux tronqué, mais fastueux, salvateur. Le mensonge par omission dans toute sa splendeur.
« Vous êtes un songe. Retrouvons-nous ce soir à l’opéra »
« La plupart des choses qui arrivent ici-bas sont telles qu’on ne les croirait pas »… lui dit-elle à la terrasse d’un café.
Pour ce dernier rendez-vous, il l’attend, elle est en retard. Il l’espère, elle ne vient pas. « Il attendit toute la nuit ».
Une valse qui s’accélère ou se transforme en tango, suit la musique des opéras, le tempo des baisers, qui s’arrête laissant le cavalier exsangue, seul sur un banc public.
Comment ne pas se laisser porter par l’écriture musicale de Stéphane Héaume ?
C’est déjà terminé ?
Non. L’auteur a écrit une note où il explique l’inspiration de ce court roman ; Dorothée Blanck comédienne oubliée. La scène qui ouvre son livre est celle de sa première vision de l’actrice à Deauville.
Enfin dernier acte. Rodolfo Marchant, alias Rodolfo Marchanti a survécu, l’abstinence liquide lui a sauvé la vie… Merci Dorothy car je suppute que le petit mot glissé à l’oreille était cela, ne plus se présenter ivre devant elle. Qui plus est, il est vraiment devenu ténor et vit en Amérique du sud. Il ne l’a jamais oubliée, oublié les sept jours qui ont changé changé dans sa vie. Il décide de faire entendre sa voix à la petite-fille de la femme qu’il n’a jamais cessé d’aimer, qui lui a permis de rester vivant. Il sait qu’elle passe en paquebot devant la baie où il habite, tout est prévu… Sauf le temps.
Dorothy l’a-t-elle jamais aimé ? Dorothy l’a-t-elle jamais aimé ? Est-ce un dernier pied de nez qui fait se lever le vent et rendre impossible sa dernière représentation ?
Venise, l’opéra ne sont-ils pas des mensonges à eux seuls ? Venise et ses masques, Venise et ses mensonges… Venise, encore Venise, toujours Venise qiu rend possible un impossible ailleurs !
Une plume poétique que j’avais aimée dans « L’insolite évasion de Sébastien Wimer ». Une mise en acte, mise en scène subtile. Un charme suranné, la musique, les opéras omniprésents et ce je petit je ne sais quoi qui me charme et m’envoute, une très belle histoire d’amour.
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