Tandis qu’une petite fille frustrée de n’avoir pu accompagner les garçons à la chasse recueille un bébé chauve-souris mal en point, un gros singe est rapporté au village. Orgie de viande de brousse. Parallèlement, une doctoresse belge arrive non loin dans une mission tenue par des soeurs et y fait la connaissance d’un jeune ethnologue traumatisé par son grand-père médecin militaire à la période coloniale. Rencontre… Paule Constant signe ici un roman qui pourrait ressembler à un conte s’il ne racontait hélas une réalité très concrète. En situant l’action le long de la rivière Ebola elle donne un gros indice si d’aventure on était tenté de le lire comme un thriller (avec révélation dans la toute dernière phrase), mais plus que la naissance (et le mode de propagation) d’une épidémie, c’est l’Afrique qui nous est offerte. Regorgeant de personnages hauts en couleur, d’anecdotes amusantes ou au contraire très graves, le roman semble être doté de couleurs et de sons et nous fait vivre une immersion très réussie. « Depuis pas mal de temps, elle tournait dans le monde avec des ONG au gré des guerres et des épidémies, et quand elle reprenait pied en Europe, le dégoût la saisissait. C’était une civilisation à bout de course qui n’avait plus le souvenir de sa longue histoire et qui mettait ce qui lui restait de vitalité à défendre un individualisme borné. On n’en était plus à je préfère ma soeur à ma cousine et ma fille à ma soeur. On clamait je me préfère à tout et que crèvent mes parents et que crèvent mes enfants et surtout que crèvent mes voisins… Alors le reste du monde ! »