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Les chapitres commencent par (Un jour, comme ça ou (une nuit encre ou la même) pour fixer le récit dans un espace non daté, juste pour me tenir dans sa réalité.
Le narrateur est un homme lambda dont la vie est rythmée par le très célèbre métro-boulot-dodo avec, parfois une partie de jambes en l’air avec son amie. Il ne semble avoir aucune passion, il est transparent. Lorsqu’il est en compagnie, il s’évade au plafond et regarde ses congénères en direct du plafonnier, « Je vous aime beaucoup, d’ici » bref, il se désincarne. « C’est une panique, la vie, voilà.»
Cet homme pas bavard parle dans sa tête, se parle ; un soliloque muet et je lis sa voix intérieure. Comme il dit « on est si bien, au bord du monde. » Il a des postures « philosophiques ».
Une vie bien monotone jusqu’au jour où il voit se reflétant sur le mur d’en face, une silhouette féminine se détachant de la lumière d’une lucarne… Il a une voisine. Depuis, il attend le soir, reste couché pour écouter le bruit furtif des pas de sa voisine. Il fait de sa propre chambre, la chambre d’écho de la sienne.
Le narrateur rentre de plus en plus en lui-même. Son imagination, sa fiction deviennent sa réalité. Il entre dans sa seconde chambre, celle de son esprit.
L’écriture n’est pas linéaire, il prend un mot, une phrase, il retourne dans un sens, dans un autre, laisse une phrase en suspens. Le texte est aussi décalé que son personnage « Il y a ce qui se dit sous ce qui se dit, l y a ce qui se dit sous ce qui ne se dit pas, et ce qui ne se dit pas sous ce qui ne se dit pas alors là ! … La plongée ! »
Ce live est une plongée dans la chambre intime du personnage « Ici est le centre de la ville », centre de ses pensées, centre de sa vie.
La faim amène à la fin. Que Jean-Philippe Domecq rassasie par ses mots, ses phrases, ses questionnements jusqu’à une fin…
Un livre qui sort des sentiers battus. Une découverte originale, surprenante, que j’ai aimée. Un livre à rapprocher de Grégoire Courtois, Jean-Daniel Dupuy pour l’originalité de l’écriture, mais sont-il métaphysique-fiction compatible, je n’en sais rien, je me contente de lire et d’aimer.
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Dans ce roman, Jean-Philippe Domecq nous entraîne dans la métaphysique fiction, genre littéraire tendant vers un enrichissement de la perception du monde aux confins du romanesque et de l’interrogation de nature métaphysique .Deuxième chambre du monde met en scène un homme, qui semble vivre médiocrement, habité par la routine et la répétition mécanique de ses gestes et actes les plus quotidiens .Il semble ne pas avoir d’ailleurs une très grande estime de lui-même .Pour tromper son ennui, ou peut-être rechercher des sensations intenses, il scrute tout : son quartier, les lumières des immeubles voisins, la présence réelle ou supposée de ces derniers .Pourtant, un soir, sa persévérance est sur le point d’être récompensée : il croit voir le reflet d’une fenêtre qui s’allume, croit-il , au-dessus de chez lui. Il est envahi par cette présence, il en devient obnubilé. Le récit nous révèle, très graduellement, l’idée que le personnage central se fait de lui-même : « C’est là que la nuit m’a dit, ou elle, l’ombre : « Pourquoi avoir honte, c’est regimber contre ton inconsistance, quand telle est ta substance. N’est-il pas doux de se sentir creux au creux de l’air ? »
On le voit, cette présence de l’outre-monde est un cruelle révélateur pour notre personnage central : celui de l’oubli, de la censure des questions vraiment fondamentales. Au point qu’il demande à l’apparition de le laisser espérer : « Non, ça je n’espère plus, j’ai eu tort, d’espérer, réclamer en plus, non mais quel culot quel culot j’ai eu !(…) Tu as raison, tu as eu complètement raison, mais complètement, j’ai eu ce tort complet, espérer !.. »Les dernières pages du récit, comparables à un réquisitoire rendu à l’issue d’un procès, accablent l’illusion dont est victime, cet individu : « Sais-tu que je n’ai jamais connu plus trouillard que toi ? C’est pourquoi je t’ai choisi. »
Le lecteur aura la sensation, à la lecture de ce roman, d’être susceptible d’avoir vécu ce genre de situation : négliger l’accessoire au profit de l’essentiel. Dans un style ironique, teinté d’humour et de dérision, Jean-Philippe Domecq nous conte ce rappel salutaire.