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E.M ou la divine barbare
Jean-Noël Schifano

Gallimard
mars 2013
156 p.
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Elsa Morante derniers jours

Il a été son traducteur, son confident, son ami. Il lui a tenu la main sur son lit de mort, dans cette clinique romaine où elle s’est éteinte. Trente ans après, Jean-Noël Schifano raconte les secrets qu’Elsa Morante lui a confiés.

C’est un petit livre en forme de conversation intime, pour faire revivre sur quelques pages celle qui fut une des plus grandes romancières italiennes. Elsa Morante, dont on connait en France particulièrement le grand roman « La Storia », était l’auteure d’une œuvre originale et forte, composée de romans, de poésies, de nouvelles, tel « Mensonge et sortilège » ou « Aracoeli », son dernier livre qui a été couronné du Prix Medicis étranger en 1984.

Un matin de cette année-là, Jean-Noël Schifano s’est présenté à la clinique Margherita avec dans les mains la version française, autrement dit sa propre traduction, d’ »Aracoeli ». Elsa Morante, alitée, corps souffrant après une tentative de suicide dont elle ne se remettra pas, le prie de s’assoir à son chevet. Il reviendra ainsi, jour après jour, et l’écoutera.

L’enfance d’Elsa Morante a été marquée par deux secrets. Les origines juives de sa mère,  origines qu’il a fallu cacher avec la montée du fascisme. Et un secret familial longtemps tu : le père officiel d’Elsa, Augusto Morante, n’était pas son véritable père. Augusto Morante, impuissant, avait en effet cherché un géniteur pour féconder sa femme, afin d’avoir des enfants et sauver les apparences.

Dans son livre, Jean-Noël Schifano laisse parler Elsa Morante qui raconte à la première personne comment elle a appris, à dix ans, que Francesco Lo Monaco, cet oncle sicilien qui leur rendait parfois visite, n’était pas du tout un oncle. Elle raconte le sort d’Augusto Morante, père officiel déchu, méprisé par sa femme, détesté. Elle raconte comment ce secret familial est la matière même de son écriture et de son imaginaire.

Confession donc, partagée, car Morante demande à Schifano de se confier à son tour. Schifano qui ne s’interdit pas l’imagination dans ce texte, grâce au personnage de Polina, mystérieuse amante rencontrée fortuitement et qui chaque nuit le ramène vers la vie. Il excelle aussi à faire revivre une certaine époque, une certaine Italie, celle de Moravia, l’époux de Morante, de Pasolini et Luchino Visconti.

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