Charlotte a 17 ans. Elle est dans la salle d’attente au tribunal. Pour son audience: elle vient de tuer son père.
L’attente est longue, alors Charlotte décide d’écrire au juge. Parce qu’elle n’a pas de mots à parler pour dire l’indicible, elle écrit.
« Son sourire effaçait la douleur de mes chaînes. Voilà ce que je vous écris monsieur le juge. Son sourire me rendait une vie qu’il avait pourtant lui-même volée ». Elle a 7 ans quand sa vie bascule: son père, cadre supérieur, beau et apprécié de tous, révèle son vrai visage: il va l’humilier (beaucoup), la battre (un peu) et l’enfermer à la cave jusqu’à ce qu’elle décide que ce n’est plus possible, jusqu’à ce qu’il atteigne ce qui se révèle être sa limite. La mère ne dit rien, déjà brisée par cet homme. Et personne ne voit rien: ni ses grands-parents, ni ses enseignants, ni ses camarades. L’aide sociale à l’enfance se fera aussi mystifier par ce pervers.
C’est glaçant et percutant: chaque chapitre est une année de vie. Des faits bruts, pas de pathos, et ce cercle vicieux: ne rien dire, ne pas dénoncer. Mais pourquoi ? » Suis-je coupable de ne vouloir qu’écrire ? Voilà ce que je vous écris, monsieur le juge. Suis-je coupable de ne pas trouver d’intérêt à parler ? »
Céline Lapertot donne des mots simples à Charlotte pour nous décrire l’enfer que va traverser cette jeune fille toutes ces années. L’idée n’est pas d’attendrir mais de raconter. Une souffrance qui dépasse l’entendement. Après une telle lecture, il me reste deux questions: comment survivre à ces années, quelque soit le verdict du juge ? Et moi (lectrice), ai-je déjà croisé la souffrance d’un enfant, sans me rendre compte de rien, sans trouver la parole libératrice, l’oreille attentive ?