Eviter les péages
Jerome Colin

Allary
mai 2015
196 p.  17,90 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Jérôme Colin est un gars de chez nous. En effet, il est célèbre en Belgique car il anime le paysage audiovisuel : la présentation d’une émission tv depuis de nombreuses années : « Hep Taxi » , il reçoit dans un taxi de multiples personnalités -acteurs, chanteurs, écrivains – avec qui il partage l’intimité le temps d’une course. Il anime également une quotidienne en radio « Entrez sans frapper » talk-show sur l’actualité culturelle.
Lorsque j’ai vu qu’il publiait un premier roman, c’est naturellement que j’ai eu envie de le découvrir, une bonne idée car c’est un premier roman très réussi.

Notre narrateur est un homme ordinaire, il a trente-huit ans, est marié à Léa et père de trois enfants.
Un anti-héros qui gagne sa vie comme chauffeur de taxi, une vie qu’il n’a pas vraiment choisie. Lorsqu’il s’est marié et que son premier enfant s’est pointé, il a bien fallu arrêter de rêver et faire fasse à ses responsabilités, bosser était une nécessité et ce qui s’est présenté fut ce job qu’il a appris petit à petit à aimer.

« C’est devenu un métier. Et je me suis finalement mis à l’aimer. Découvrant peu à peu que j’aimais la solitude qu’impose l’exercice mais aussi les brèves rencontres qu’il provoque. Si je fais le calcul, en treize ans, j’ai dû charger à l’arrière de mon bahut plus ou moins cinquante mille personnes. Des gens heureux, d’autres malheureux. Des beaux, des moches. Des taiseux, des causants. Certains m’ont livré une partie d’eux-mêmes. Ensemble, nous avons fait un bout de chemin. Aussi petit soit-il mais un chemin tout de même. Ils paient. Ils ont le droit de se laisser aller. Moi je les emmène où ils veulent. »

Dans son taxi, il y a des moments de solitude qu’il apprécie, les brèves rencontres avec les clients mais aussi la musique qui occupe une place importante dans sa vie et parfois qui lui donne des réponses à ses questions.

« Marcher sur l’eau. Eviter les péages. Jamais souffrir. Juste faire hennir les chevaux du plaisir »
« La nuit, je mens, je prends des trains à travers la plaine… » « Que ne durent les moments doux » , Bashung, d’autres belles références musicales , des chansons qui nous suivent, qui nous accompagnent durant notre vie et durant le lecture : Léonard Cohen, Jeff Buckley….

Des réponses car notre narrateur va se remettre en question : A-t-il fait le bon choix de vie ? Il a une famille, une maison, un lave-vaisselle, bien malgré lui une routine s’est imposée à son insu, depuis quand ?

Il se donne le droit au départ d’une rencontre, celle d’une jolie rousse, de se poser la question : Ma vie est-elle celle que je veux vivre ? Dois-je en essayer une autre ? Puis-je toucher d’autres peaux ?

La crise de la quarantaine est le thème principal de ce roman, mais aussi l’absence, le deuil à faire de sa vie, de son père qui l’a quitté mais qui est tellement présent, avec qui il aurait aimer débattre de tout cela. De la vision qu’il a eu de son père et de celle qu’il donnera de lui à ses enfants.

Que de questions qui à la lecture nous viennent à l’esprit. Un sujet partant du vécu de l’auteur qui nous interpelle tous au masculin ou au féminin. Quand bascule-t-on dans une vie normée ?

En lisant le roman, je me suis d’abord dit que ce n’était pas un grand exploit littéraire quand à l’écriture et au style, mais quelques jours après cette lecture, je pense le contraire car on est emporté, on tourne les pages, le roman se lit très vite et au final il en reste énormément de choses. Beaucoup de jolies phrases qui me parlent et raisonnent au plus profond de moi.

L’écriture est fluide, directe, proche de l’oralité, parfois rude, ironique et drôle aussi, elle nous secoue comme dans la vie.

La vie c’est plein de rencontres effectuées dans son taxi, diverses trajectoires de vies, une petite étude sociologique qui nourrit notre anti-héros. J’ai particulièrement aimé sa rencontre avec Henry. Les dialogues et réflexions avec son père disparu m’ont émue. C’est aussi un livre qui aborde l’acceptation du deuil.

Un livre vraiment touchant, une belle découverte, une belle plume avec laquelle j’ai passé un agréable moment de lecture. Deux mini-soirées pour avaler littéralement le roman, partagé avec le même enthousiasme par mon mari qui lui aussi a aimé cette petite perle d’émotion. Son avis suit.

Un petit coup de coeur pour moi, à découvrir sans plus attendre.

Ma note ?????

Un autre regard, l’avis de mon mari

‘Eviter les péages’, une référence à la chanson ‘Osez Joséphine’ d’Alain Bashung dont le souvenir du grand artiste qu’il fût est évoqué dans ce livre. Un premier livre pour cet homme de télévision et de radio, amoureux des livres et de la musique. Musique quasi omniprésente qui rythme les pages de ce récit. De Jeff Buckley à Leonard Cohen, les poètes de la chanson américaine mélangent dans leurs paroles tristesse, douleur mais aussi espérance et lumière.
C’est cela que l’on ressent à la lecture de ce livre qui comprend aussi des passages plus humoristiques voire carrément trash que j’ai un peu moins appréciés.
Quelle direction donner à sa vie? Quels choix entreprendre pour être soi-disant plus libre, plus heureux et réussir sa vie? Questions que se pose notre chauffeur de taxi arrivant à un tournant de sa vie (sa ‘midlife crisis’). Les rencontres avec ses clients, soit furtives, soit prolongées comme cet homme qui lui donne rendez-vous plusieurs soirs par semaine, lui donneront quelques clés quant à la décision à prendre.
Un premier essai transformé. Passé les premières pages, j’ai été happé par l’univers de notre taximan. Je me voyais conduire dans Bruxelles la nuit en écoutant Tom Waits. L’écriture est fluide en laissant une grande part aux dialogues entre les personnages. Il y a clairement une part autobiographique dans ce roman, notamment dans l’évocation de son père décédé.

J’ai hâte de découvrir son deuxième roman auquel il s’attelle déjà.

Sa note : 8.5/10

Les jolies phrases

Ce n’est pas l’absence qui me tue. Mais le fait que ce soit pour toujours.

La merde, vaut mieux qu’elle vous tombe dessus d’un coup plutôt que de la voir venir. Attendre c’est déjà souffrir.

C’est dingue tout de même la capacité de l’homme à tout trouver normal après un certain temps.

Le couple finit par être le lieu d’un étouffement qui nous vole à nous-même. Il consiste à se mettre au service des autres et s’oublier. Absorbé par les tâches à remplir et les gens à rendre heureux.

Elle ne pouvait pas comprendre. Une partie de moi était morte. Je vivais dans l’angoisse d’avoir peut-être choisi la mauvaise vie.

Le problème avec la réalité, c’est qu’elle ne s’arrête jamais. La routine ne fait pas de trêve.

Que vivre est malgré tout un beau cadeau qu’il faudrait être capable de recevoir.

Que c’est bon d’avoir mal quand le bourreau est une chanson douce.

Personne n’appartient à personne, personne ne peut prétendre diriger la vie de quelqu’un.

Alors, on passe plus de temps à essayer de plaire aux autres, ou à trouver leur acquiescement qu’à soi-même. Je pense que dans la vie, on peut faire ce qu’on a envie…

Ce sont les plus beaux moments : quand on rêve, quand on projette, quand on imagine … Après, c’est l’engrenage.

Vous n’êtes pas obligé d’aimer ça. On a encore le droit de ne pas aimer les mêmes choses. Même si dans le fond, nous poursuivons tous le même but, tenter d’être soi-même. Et être soi-même, c’est un long parcours. C’est pour ça qu’il faut que la vie soit longue. Parce qu’il faut du temps pour grandir. Il faut du temps pour se défaire de ce que l’on nous a inculqué, petits. Devenir soi-même, c’est un jeu passionnant et moi j’aimerais bien que la partie dure encore longtemps. Je parle de la vie, hein. Pour faire le plein de choses.

Je les ai vus s’aimer comme je n’aimerai jamais.

La tragédie ne devient possible qu’à l’arrivée des enfants. Car c’est une réalité : on peut les perdre, ils peuvent mourir. Elle est là, ma vraie rencontre avec la peur. La naissance de toutes mes angoisses.

L’école devrait être un grand buffet où chacun peut se servir comme il l’entend. Parce qu’à part lire, écrire et compter, on devrait ensuite avoir le droit de choisir ce qu’on veut. Mais au lieu du buffet, on nous propose un menu mesquin où rien que le nom des plats est déjà sans saveur.

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