Gloria
Pascale Kramer

Flammarion
janvier 2013
153 p.  17 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Kramer l’implacable

Quand on lit un roman de Pascale Kramer, il y a toujours un moment où on est pris de panique. Ici, plongé dans « Gloria », on ne sait pas exactement à quelle page on s’est mis à trembler, mais l’angoisse est bien là, qui s’est insinuée malgré nous, perfidement. Parce qu’au fond, on ne sait plus très bien pourquoi Michel rend aussi souvent visite à Gloria. Parce que la jeune femme l’intéresse ? Mais n’est-ce pas plutôt Naïs, la petite fille de la maison, qui l’attire ? Naïs dont Gloria a posté des photos sur internet, photos que Michel regarde sur son ordinateur quand il est seul chez lui. Et que cherche Gloria, quand elle contacte Michel ? A se faire aider, ou à le manipuler ? Elle sait qu’il a perdu son emploi d’animateur dans un foyer pour jeunes femmes en galère, et elle sait qu’il l’a perdu à la suite de rumeurs l’accusant d’être un peu trop attaché à certaines pensionnaires et leurs enfants. Elle-même a eu affaire à lui à l’époque, elle ne s’est plainte de rien mais ne l’a pas disculpé non plus. Alors on s’interroge, on revient en arrière, on cherche à se rassurer. Après tout, rien n’est certain. Peut-être Michel est-il animé de bonnes intentions lorsqu’il retourne dans la cité HLM où vit Gloria, peut-être est-il sincèrement inquiet du sort de la petite Naïs. Mais en revanche  Gloria s’occupe-t-elle correctement de sa fille ?

Pascale Kramer excelle à créer une tension dans sa phrase. Peu de dialogues, une description minutieuse des gestes de chacun, de petits détails troublants savamment disséminés dans le texte, voilà le style parfaitement maîtrisé de cette romancière. Kramer sonde les zones cachées de ses personnages, mais suggère plus qu’elle ne dit et laisse une chance à chacun. Surtout, et c’est un vrai plaisir, elle laisse sa chance au lecteur. A lui de choisir, d’imaginer, de comprendre, sans que, comme dans tant de mauvais romans, on lui prémâche le travail.
Ceux qui apprécient cet écrivain venu de Suisse ne seront donc pas déçus. Ce nouveau titre s’inscrit dans la droite ligne des superbes « Retour d’Uruguay », « Fracas », « L’implacable brutalité du réveil ». Mais de nouveaux thèmes apparaissent : la précarité, la banlieue, la vie dans les marges observée avec empathie. Et, comme souvent chez Kramer, un enfant est au centre du roman. D’une manière ou d’une autre, cet enfant changera la vie de tous les autres personnages.

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