« Imago : désigne le stade final d’un individu dont le développement se déroule en plusieurs phases (en général œuf, larve et imago). » C’est cette construction fragile et complexe, cette quête d’identité, qui apparaît en filigrane dans le récit des quatre personnages de ce roman, quatre trajectoires de vie qui sont reliées par un lien intime et destructeur.
Nadr et Khalil sont demi-frères et vivent en Palestine. Nadr est l’aîné, né en France, et revenu en Palestine avec son père alors qu’il n’avait que quelques semaines. Il n’a jamais connu sa mère française. C‘est la mère de Khalil, amour de jeunesse du père des deux garçons qui les a élevés. Si Nadr, enfant, aimait se battre pour défendre son frère chétif, quelques années plus tard c’est tout le contraire. Khalil est attiré par les armes et la violence et Nadr se réfugie dans la lecture de poèmes. Les deux frères sont dorénavant orphelins (père et mère furent tués) et vivent dans un camp.
Fernando Clerc est marié avec deux enfants, englué dans une routine quotidienne. Fonctionnaire au « Fonds » (le FMI n’est pas nommé), il décide des sommes à verser pour aider les Palestiniens bien installé dans son confortable fauteuil de bureau . Ses certitudes vont être bousculées lorsqu’il devra se rendre en Palestine et voir de visu l’impact que peuvent avoir ses décisions sur la situation politique et le quotidien des Palestiniens.
Il y aussi Amandine, la soixantaine, mère de trois enfants nés de trois pères différents. Paumée, pas à sa place dans une vie d’apparences, elle a préféré se réfugier dans la forêt ne supportant plus la vacuité du quotidien.
Ces quatre destinées sont l’expression de la souffrance. Tous ont été amputés d’un être cher, furent rejetés, et ont dû essayer de se construire malgré ces blessures. Amandine a vu son bébé arracher de ses bras juste après sa naissance, Nadr n’a jamais connu sa mère, Fernando a été rejeté par la sienne qui ne l’aimait pas.
A travers ce roman, l’auteur éveille les consciences sans pour autant donner de jugement. Peuple d’ici ou d’ailleurs, qui est le coupable ? Qui est la victime ? La question ne se pose pas ainsi, la guerre est présente partout que ce soit au Moyen-Orient ou en Occident avec un même point d’orgue : la vengeance. Venger son pays, venger son peuple; le leitmotiv est toujours le même.
Imago est réaliste, traite de l’actualité avec des personnages sombres et complexes. Ce roman questionne et montre des personnes qui cherchent à se libérer de leurs trajectoires. La fin du récit est d’ailleurs significative, le triangle fraternel s’achève; la mort du martyr et de sa victime entraînent la libération et le renouveau pour le frère rescapé.
Je conseille ?
J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire durant la première partie du roman. Je ne voyais pas du tout quel pouvait être le lien entre ces personnages. Une fois le lien établi, les pièces du puzzle s’imbriquent: l’évolution et la complexité des protagonistes sont très intéressantes. C’est un roman déroutant, qui fait réfléchir et qui agit comme un véritable « coup de poing ». A découvrir!