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L’humanité est dans le préIl y a des livres comme des rencontres. Celui-là en est une. Une jolie rencontre avec Joseph, une belle personne, un personnage de roman humble et qui sait rester digne dans son profond dénuement. Comme l’écrit Marie Hélène Lafon « Joseph ne laisse pas de traces et ne fait pas de bruit », il a la soixantaine, est ouvrier agricole dans une ferme du Cantal. Si son cœur est simple cela ne l’empêche pas, bien au contraire, de battre très fort, mais toujours en silence. Sa vie à la campagne file au rythme des saisons et parfois des trahisons qui le font tomber « comme dans un fossé plein de boue froide ». Alors il a le vin triste, « le vin noir » et l’on craint de le retrouver pendu à une corde au fond de la grange. On se prend à ressentir cette détresse qui ne s’exprime pas chez les taiseux et qui, comme le vent mauvais, peut rendre fou nos plus solides paysans. Dans cette histoire où il ne se passe presque rien, si ce n’est d’humain de profondément humain, on est tenu en haleine de bout en bout. Par le souffle d’une vie. Cela tient beaucoup à l’écriture de Marie Hélène Lafon qui est aussi sobre et tenue que Joseph son personnage éponyme. Son style est « aiguisé comme une faux ou affûté comme les lames de barres de coupe ». Elle possède une extraordinaire puissance d’évocation du milieu rural. Elle ne nous raconte pas une vie à la ferme, on y vit aux côtés de Joseph. On ressent le poids du labeur de chaque jour, comment il veille sans relâche sur les bêtes, pas pour l’argent car il en gagne peu, mais pour l’honneur. On mesure l’importance pour lui, quelles que soient les circonstances, de garder sa contenance, de préserver sa dignité d’homme « resté au bas du bas de l’échelle ». La grande prouesse de Marie-Hélène Lafon, c’est de nous peindre la vie des bourgs, des campagnes les plus reculées, sans tomber dans la caricature régionale, celle de la littérature dite de terroir. Elle y parvient grâce à une écriture qui joue des fragiles équilibres entre authenticité, rusticité et simplicité. Fille du pays, elle est née à Aurillac, sa musique est toujours juste, elle n’est jamais dans la posture ni dans l’effet de style. Quand elle dit de Joseph : « il a gardé son accent, un peu comme s’il souriait en parlant, même pour dire des choses raides, un accent de soleil tiède ». C’est tout aussi simple que beau, comme son livre. Lire aussi l’avis de Bernard Lehut, notre critique invité.
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coup de coeur
La vie d’un simple
Le Joseph est un gars simple. Attention, ce n’est pas le simplet du village, non, loin de là, il parle un français châtié. Cet homme est la correction même. Joseph est ouvrier agricole. Son frère jumeau, Michel, comme l’a dit le père, a tout pris. Michel travaillait bien à l’école alors que Joseph ne savait que compter. Joseph a eu une vie difficile et son jumeau Michel s’est rallié aux autres pour l’abaisser. D’ailleurs Michel, parti loin de chez eux a même emmené la mère suite au décès du père. Il ne reste rien à Joseph. Il est seul. Joseph, un livre où le ton est juste. Je ne peux m’empêcher de penser à Raymond Depardon. Marie-Hélène Lafon parle d’un monde paysan qui disparait. Maintenant, ce sont des agriculteurs et ils doivent augmenter, augmenter, terre et cheptel pour espérer s’en sortir. Ce nouveau monde nous « offre » la ferme des 1000 vaches, ou l’industrialisation de la ferme. « Joseph ne laisse pas de traces et ne fait pas de bruit ». Cette phrase définit très bien ce taiseux greffé dans la vie des autres. |
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