Il y a quelques mois, j’ai reçu un mail très menaçant : si je n’envoyais pas une somme (une quantité?) assez élevée de « bitcoins », des photos compromettantes seraient révélées à l’humanité tout entière (qui n’attend que cela, évidemment !…) Avec la vie trépidante que je mène, je n’avais pas trop de soucis à me faire sur l’éventuelle divulgation de photos embarrassantes me concernant !!! En revanche, ce qui, dans ce message, a retenu toute mon attention, c’est cette histoire de « bitcoins »…. Quèsaco ? Autant dire que je n’avais jamais entendu parler de cette bête-là (on ne paye pas avec ça à l’épicerie de mon village…) Je me suis donc renseignée auprès de mes chers collègues scientifiques, nettement plus à la pointe de la modernité que moi (ce n’est pas difficile!) et j’avoue que… je n’ai pas compris grand-chose sinon que… (je me concentre) ce serait une monnaie qui permettrait de régler des transactions en ligne, sans avoir recours à un organisme bancaire (qui nous pique des sous), le tout dans un cadre très sécurisé… Et pour garantir cette sécurité tant recherchée, des particuliers (appelés des mineurs -on n’est pas dans Zola mais presque-) équipés d’ordinateurs ultra-puissants surveillent et valident les transactions… Ces dernières sont enregistrées sur une chaîne de blocs -blockchain- (espèce de grand livre public de comptes) : chaque bloc vérifiant en cascade l’état du système et surtout l’origine de la transaction. Ne m’en demandez pas plus, j’ai déjà transpiré sang et eau pour vous fournir ce modeste résumé. Ça dépasse largement mes très insignifiantes compétences (quasi nulles dans le domaine économico-informatico-mathématique…)
Bref, tout ça pour dire que j’ai commencé le dernier roman de Jean-Philippe Toussaint en n’en menant pas large… Et à vrai dire, je pensais ne pas dépasser la cinquantième page…
Eh bien messieurs-dames, je vous le déclare haut et fort : j’ai été littéralement happée par ce récit qui tient beaucoup du roman d’espionnage (le suspense marche à fond la caisse) mais pas seulement, et autant vous le dire tout de suite, j’ai ADORÉ ce texte et je vous explique pourquoi.
Un narrateur (dont j’ai oublié le nom… appelons-le X si vous le voulez bien) qui travaille à la Commission Européenne dans le domaine de la prospective se voit aborder un jour par des lobbyistes. Effectivement (et là, on n’est pas dans la fiction), figurez-vous qu’à Bruxelles des gens sont payés pour prévoir l’avenir (si si, je vous jure) : ils s’interrogent sur « de quoi demain sera fait » dans des domaines divers et variés comme l’alimentation, l’agriculture, l’énergie, la démographie, les ressources etc, etc… Bien entendu, ils doivent bosser en toute indépendance (bien entendu!!!) Or notre narrateur X (mais quel est son nom???) se voit un jour abordé par deux hommes qui aimeraient bien qu’il vienne faire un petit tour en Chine pour découvrir leur entreprise (et plus si affinités…) X résiste, allant jusqu’à régler lui-même son café lorsqu’il les rencontre. Et il se trouve que l’un des deux lobbyistes va, lors d’une rencontre, perdre sa clé USB : accident ? acte volontaire ? Point d’interrogation… En tout cas, X s’en empare et ce qu’il va découvrir n’est pas piqué des vers…
Comme je vous le disais, moi qui ne suis pas DU TOUT roman d’espionnage (je n’y comprends jamais rien), j’ai été complètement prise par ce roman lu quasiment d’une traite une semaine où j’étais crevée (c’est vous dire!) Je crois que cela tient au fait que l’on sent très vite que Toussaint cache autre chose derrière l’aspect espionnage et cette « autre chose », c’est la dimension humaine.
X (son nom!!!) n’a RIEN d’un super-héros. S’il évolue dans un monde moderne, technique, scientifique, ses réactions échappent COMPLÈTEMENT à la logique (ça c’est génial!) Souvent, il ne comprend pas pourquoi il a agi de telle ou telle façon, pourquoi il a pris telle ou telle décision, il a a du mal à contrôler ses émotions et se retrouve à plusieurs reprises dans des postures assez ridicules. Et je trouve ça très rassurant l’idée que l’on a beau entrer dans une ère algorithmique, logique, mathématique, finalement, l’humain, d’une certaine façon, échappe à toute cette technique, lui fait un pied de nez, lui dit merde, quoi !
Parce que l’homme n’est pas UNE MACHINE, il ne pourra jamais être contrôlé, prévu, emprisonné dans un système parce que, précisément, ce qui fait l’être humain, c’est l’inattendu, l’étonnant, le paradoxal, l’imprévu. Et leurs histoires de conjectures, d’hypothèses, de probabilités, ils peuvent, à mon sens, toujours courir…
Ah, la prospective a du boulot sur la planche (et du souci à se faire) avec un sujet d’étude comme l’être humain et ses activités… Et, ça, c’est plutôt rassurant, non ?
Bon, allez, je ne vous en dévoile pas plus… Vous verrez, la fin est superbe… Vous allez vous régaler !
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