Eric Pessan met le doigt là où ça fait mal. C’était déjà le cas avec Muette.
Ici, une fratrie en complète déliquescence se retrouve pour débarrasser la maison des parents disparus avant sa mise en vente.
Dès les premières lignes, j’ai ressenti la gêne qu’il y a entre les deux frères et la sœur. Difficile, pour eux, de se réapproprier, ne serait-ce qu’une journée, la maison de leur enfance. Les souvenirs ressurgissent.
J’ai supputé, deviné, mais pas entièrement. Rien n’est dit explicitement. L’attitude d’Anna, toute épine dehors, cette incapacité à se toucher, à se parler, pourquoi ? Et ce jeu du loup, où chacun sursaute lorsque l’autre le touche, ce jeu puéril, joué sans joie, histoire de ne pas se parler, de retarder le moment où. D’ailleurs se parler, ils ne le peuvent pas, plus ?
Par petites touches, Eric Pessan dévoile, sans dévoiler, tout en soulevant le voile de leur enfance commune.
Il y a dans le titre de ce livre un rappel du jeu et de l’expression populaire « voir le loup ». Anna a vu le loup et en reste blessée à vie, tout comme ses deux frères. Le jeu est allé trop loin, beaucoup trop loin. Ils ne peuvent et ne savent comment affronter cette épreuve. « Parler n’a pas été, n’est pas, et ne sera pas possible. Trois loups s’accrochent aux branches d’un roman familial complexe dont le tronc se perd bien au-delà de ce qu’ils savent eux-mêmes. »
Encore cette inaptitude des parents de voir, de supposer ce qui se passait sous leurs yeux, parents effacés, aveugles ou qui ne veulent ou n’osent pas voir et savoir.
Les illustrations de Frédéric Khodja, sa mise en page soulignent l’angoisse, la peur, le silence, comme cette femme tronquée aux prises avec des mains que l’on devine hostiles.
Cette collection du Chemin de fer, «vu par », très originale, m’a offert deux petits bijoux de lecture.
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